Alors que Céline Dion s'apprête à entamer une série de concerts au Québec, la communauté humoristique queer invite les Montréalais à trois soirées «champ gauche» mêlant drag-queens, artistes burlesques, lip-sync et autres solos autour d'un même thème: la fascination des Québécois pour l'iconique chanteuse.

Placez Thomas Leblanc et Tranna Wintour dans une même pièce, sortez votre album Dion chante Plamondon et faites jouer la mythique chanson Ziggy. Observez ensuite leur réaction. Le premier sera en extase, alors que l'autre exprimera un profond déplaisir. Pourtant, tous deux sont issus de la communauté LGBTQ - dont le cliché veut qu'elle aime bien Céline Dion.

C'est en assistant à un spectacle solo de Wintour - une star de l'humour émergent de la communauté anglophone de Montréal - que Thomas Leblanc a eu l'idée du spectacle Sainte Céline, présenté une première fois l'hiver dernier au Wiggle Room. Dans un de ses numéros, la jeune femme trans explique qu'elle n'aime tout simplement pas la diva de Charlemagne. Cette opinion a étonné son collègue.

«Je me suis dit qu'on pourrait nous placer en opposition: elle qui n'aime pas Céline Dion et moi qui l'adore. [...] Notre spectacle est grinçant, donc pas du tout du style de Véronique Claveau, Martin Proulx ou Joël Legendre [trois humoristes qui imitent la chanteuse avec brio]. Dans un style cabaret, je fais ma partie en français, Tranna en anglais, et nous avons plusieurs invités dans les deux langues», explique Thomas Leblanc, 31 ans.

Depuis un an, ce travailleur du milieu des médias (il a longtemps été rédacteur en chef du magazine Nightlife, en plus de travailler à ICI Radio-Canada Première) se place sous les projecteurs, vouant un culte à l'humour stand-up à l'américaine.

Son amour pour Céline Dion, qu'il vit au grand jour dans le cadre de sa première participation au Zoofest, n'a toutefois pas toujours été naturel.

«Adolescent, je la trouvais "quétaine". Mais un moment donné, me disant que Céline Dion était "too much", j'ai décidé de l'aimer.»

«Autour de moi, les gens disaient "mais voyons!?" Devant cette résistance, j'ai poussé la blague et j'ai fini par réaliser que je l'aimais sincèrement», poursuit Leblanc.

Un voyage sur les traces de Céline

Au début du mois de juillet, Thomas Leblanc et Tranna Wintour sont allés à Charlemagne, en banlieue de Montréal, pour visiter la ville dans laquelle Céline Dion a grandi.

«Pour les anglophones, on nous la présente toujours comme celle qui vient d'une petite communauté perdue dans les bois et qui est devenue une mégavedette internationale. Mais Charlemagne n'est qu'une petite ville sans personnalité, collée sur Montréal. Ça enlève un peu de la magie du conte de fées», rigole Tranna Wintour.

Bilingue, Wintour a donné quelques spectacles solos à New York au printemps, rêvant d'une carrière internationale. L'humoriste trans, qui n'aime pas Céline Dion, se dit tout de même inspirée par la détermination de la chanteuse québécoise.

«En regardant des vidéos sur ses premiers albums en anglais, je l'ai trouvé inspirante. [...] Au Québec, que l'on soit anglo ou franco, tout le monde a une opinion sur elle. Céline Dion fait partie de nos vies. Mais Sainte Céline est un spectacle qui va au-delà de ça: c'est aussi une [réflexion humoristique] sur ces personnages culturels qui nous éloignent et nous rassemblent avec passion», dit-elle.



Des invités spéciaux

En plus de Lulu Belles Mirettes (une artiste burlesque), d'une troupe de comédiens qui se donneront la réplique en utilisant des paroles des ballades de Céline Dion, ainsi que de la drag-queen Crystal Slippers, d'autres invités spéciaux agrémenteront le spectacle Sainte Céline.

Demain, le chroniqueur Jean-Sébastien Girard (La soirée est (encore) jeune) et la comédienne Léane Labrèche-Dor (Le nouveau show) chanteront en duo Lolita, une chanson tirée de l'album Incognito  (1987).

«Céline a chanté cette chanson quand elle avait [19 ans]. Ça raconte l'histoire d'une femme qui se touche en pensant à un homme de 40 ans. C'est épouvantable et très drôle! On s'est dit que cette chanson reprise par moi, plus vieux, et Léane, encore jeune, ferait quelque chose d'intéressant sur scène», raconte Jean-Sébastien Girard, dont l'amour pour Céline Dion est «inconditionnel».

«Adolescent, j'avais enregistré sa victoire à l'Eurovision. J'ai regardé son passage en boucle! C'est un des moments forts de mon existence: j'étais fasciné par elle. J'aimais sa chanson, je trouvais sa robe exceptionnelle. [...] Plus tard, après l'avoir vue en spectacle au Théâtre St-Denis, j'ai même commencé des "scrapbooks"», se rappelle le chroniqueur.

Léane Labrèche-Dor se souvient quant à elle des nombreuses soirées passées à chanter les grands succès de la diva avec son ami Martin Proulx (qui l'imite aujourd'hui dans des spectacles comme 2015 dans le tordeur).

«Quand j'ai rencontré Martin, il était très libre dans son amour pour Céline Dion. C'est devenu le ciment de notre amitié. Pendant notre adolescence, on s'est fait plusieurs soirées à boire du vin comme si on était dans la vingtaine, à cuisiner des pâtes à la crème et à chanter du Céline», dit-elle avec un brin de nostalgie.

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Au Wiggle Room ce soir, demain et samedi, 22 h.

Photo fournie par Jean-Sébastien Girard

Jean-Sébastien Girard plus jeune avec Céline Dion.