Pour sa fête annuelle des fous, François Gourd a décidé de rendre hommage aux mots et à la mémoire de Sol. Il a même découvert une actrice française, Marie Thomas, qui depuis deux ans incarne notre célèbre clochard de l'autre côté de l'Atlantique. La Presse s'est entretenue avec cette femme de théâtre étonnante, qui présentera sur les terres de Marc Favreau le spectacle Comment va le monde?.

Marie Thomas a découvert les mots de Marc Favreau il y a 20 ans, au cours de sa formation au Conservatoire d'art dramatique de Limoges. C'est son professeur Michel Bruzat, grand fan du personnage de Sol, découvert dans La boîte à surprises et plus tard sur scène, qui a initié son groupe de jeunes limougeauds à la prose de notre clochard national. Le grain de folie était semé chez nos cousins.

Dès sa sortie du Conservatoire, Marie Thomas a joué dans la pièce Les petites chemises de nuit, qui puisait en partie dans le répertoire de Sol. Des années plus tard, en 2013, c'est ce même Michel Bruzat, metteur en scène et directeur du Théâtre de la Passerelle, qui l'a contactée pour lui proposer de défendre seule sur scène un collage de textes écrits par Marc Favreau réunis dans Presque tout Sol.

«J'aime la langue de Marc Favreau, nous dit Marie Thomas au cours d'un entretien téléphonique. Ce que je trouve magnifique, c'est qu'il peut nous parler de choses extrêmement intimes, tout en abordant avec son point de vue unique des questions de société ou de géopolitique. Sa manière d'inventer des mots et de recomposer tout un langage très imagé est aussi extraordinaire et m'a toujours beaucoup touchée.»

Marie Thomas, qui a accepté l'invitation de François Gourd sans trop savoir de qui il s'agissait, n'a pas longtemps hésité à faire le saut. Université de foulosophie ou pas, titre de «grand rectum» ou non, elle s'est dite emballée de jouer Sol au Québec. 

«Je suis très excitée, je trouve ça magique d'avoir cette opportunité de revenir à la source et de présenter ce spectacle là où le personnage de Sol est né.»

Comment va le monde?, question que pose Sol dans l'un de ses monologues, est un peu la ligne directrice des textes choisis par Michel Bruzat. «On parle du monde intérieur et du monde extérieur, nous dit Marie Thomas. Sol pose beaucoup de questions, par exemple avec Le fier-monde, un jeu de mots avec "tiers-monde", où il fait ressortir avec son point de vue décalé toute la barbarie vers laquelle on évolue.»

Même si l'actrice française revêt des habits en haillons qui ont fait la marque de Sol, elle a travaillé fort avec son metteur en scène pour ne pas verser dans le pastiche. «À partir de ses textes, on a repris le personnage de clochard errant, mais je ne voulais pas du tout être dans l'imitation de Sol. Ce qui est intéressant, c'est la liberté et l'innocence de ce personnage qui dit absolument tout ce qu'il pense, parce qu'il n'a rien à perdre.»

Dans sa loge

La pièce se déroule dans ce qui pourrait être une piste de cirque, où l'on voit le personnage de Sol à la fois sur scène et dans les coulisses, dans sa loge.

«Dans son livre, il y a des photos où l'on voit Marc Favreau se transformer en Sol, accompagnées de réflexions sur ses peurs, ses doutes, ses interrogations. C'est ce qui nous a donné l'idée de le représenter également dans ce contexte-là. J'ai trouvé une vieille valise qui, lorsqu'on la déplie, se transforme en table de maquillage et qui nous a permis d'explorer la pensée de l'artiste qu'il était.»

Les textes sont repris tels quels, à la virgule près, nous dit Marie Thomas. «Il y a un respect total du texte, explique-t-elle. On l'a abordé comme une tragédie de Racine ou de Corneille. Parce que c'est magnifiquement écrit. Une spectatrice m'a un jour fait ce commentaire que je trouve très juste. Elle m'a dit: "C'est comme une langue étrangère dont on comprend tous les mots". Il invente des mots, il les trafique, mais tout a du sens.»

La pièce Comment va le monde?, créée en 2014, a déjà été présentée une cinquantaine de fois en France. Une aventure que Marie Thomas compte poursuivre tant elle suscite l'enthousiasme parmi les spectateurs. «Les gens rient, mais ce sont des textes qui ouvrent la conscience et qui nous font aussi réfléchir. C'est un spectacle que j'ai envie de présenter dans d'autres pays francophones, je pense que ça peut créer des rencontres magnifiques.»

Comment va le monde? sera présenté les 2 et 3 avril au Centre Calixa-Lavallée du parc La Fontaine. Tous les détails du 17e Symfolium: www.udfou.com.

Cabaret-hommage à Sol

Comme pour chacun des invités de l'Université de foulosophie, les organisateurs du 17e Symfolium ont prévu un cabaret hommage. Alejandro Jodorowksy, Fernando Arrabal, Patch Adams ont tous goûté à la médecine de la clique de François Gourd. L'absence de Marc Favreau (mort en 2005) n'a pas ralenti les efforts du «niaisologue» émérite pour rendre hommage au personnage de Sol. Demain, au Théâtre Rialto, une vingtaine d'artistes québécois se prêteront au jeu en paroles et en musique. Parmi eux: Stéphane Crête, Didier Lucien, Bernard Adamus, Marie-Pierre Arthur, Jérôme Minière, Urbain Desbois et Edgar Fruitier. Le dimanche 3 avril au Lion d'or, la Ligue d'improvisation montréalaise (LIM) organisera de son côté un match d'impro sur le thème de Sol.

Photo Jean Barack, fournie par l’Université de foulosophie

Depuis deux ans, l'actrice française Marie Thomas incarne Sol de l’autre côté de l’Atlantique.

Photo Jean Barack, fournie par l’Université de foulosophie

Depuis deux ans, l'actrice française Marie Thomas incarne Sol de l’autre côté de l’Atlantique.