Après un essai concluant l'an dernier, André Sauvé a décidé de retourner jouer à Paris, en février, mars et avril prochains, afin de vérifier si son humour sur notre folie quotidienne peut s'épanouir dans la francophonie. La Presse a rencontré l'humoriste montréalais qui veut avant tout se conquérir lui-même.

André Sauvé va bien. Il est en forme, médite toujours autant et n'a plus qu'une vingtaine de représentations à donner de son deuxième spectacle solo, Être, avant de tirer le rideau à Québec, le 8 janvier. Il l'aura finalement présenté 250 fois depuis le printemps 2013, devant quelque 160 000 spectateurs. Un show dont il tire beaucoup de satisfaction.

«Le premier spectacle avait eu du succès et je suis bien content que le deuxième en ait eu aussi, car la barre était pas mal face à moi-même!», dit-il en entrevue dans un restaurant de son quartier, le Plateau Mont-Royal.

Malgré ses succès au Québec, André Sauvé a envie d'espace. L'an dernier, il avait joué plusieurs soirs au Théâtre de Dix-Heures, à Paris, notamment trois fois en mai 2014. Hormis une présence à Nantes en 2007, c'était la première fois qu'il se frottait au public français. Il voulait voir s'il aimerait ça.

Finie la peur du «colonisé»

«L'an dernier, j'étais nerveux de jouer dans une salle de 140 places, dit-il. C'est pas comme jouer au Québec devant 1400 personnes. Là, t'es à Paris! T'as pas de micro et ils sont là, là, devant toi! Mais finalement, ça a démoli toute l'appréhension que j'avais, cette espèce de peur du colonisé - «Qu'est-ce que je m'en vais faire dans la maison-mère!» -, ça a disparu et j'ai trouvé une aisance.»

L'accueil avait été positif et rassurant, dit-il. «Au début, c'est pas: «Yahoo! André Sauvé!» Ils se demandent: «T'es qui, toé?», mais après, bon, on s'renifle! J'ai présenté mon personnage. Il y a eu des regards un peu hagards, mais les spectateurs ont fini par embarquer.

«Bien sûr, faut que t'amènes les plats de service! Que tu mettes la nappe. Mais après, ils ont été séduits. C'était jouissif de constater que j'avais une place chez ceux à qui je pensais faire peur!»

Traitant de sujets universels, André Sauvé pense que son style pourrait faire mouche auprès d'un public français friand de réflexions existentielles, moyennant quelques ajustements de langage. Il se produira donc en février, mars et avril prochains dans la petite salle de moins de 100 places du Théâtre des Mathurins, situé non loin de l'opéra Garnier.

«De la calèche au TGV»

À partir du 5 février, il présentera durant une heure des numéros tirés de son premier spectacle, d'abord trois soirs par semaine. Si ça marche, il augmentera la cadence. «Je préfère placer les choses et monter ensuite progressivement jusqu'à fin avril», dit-il.

Si le succès est au rendez-vous, il prévoit se produire au festival d'Avignon en juillet 2016 et de nouveau à Paris, peut-être dans une plus grande salle, à l'automne 2016.

Si ça marche très fort, est-il prêt au changement de vie que cela entraînera, comme l'ont vécu Michel Courtemanche, Stéphane Rousseau, Anthony Kavanagh et Rachid Badouri?

«Oui, parce qu'en fait, je l'ai déjà vécu au Québec, dit-il. Ma popularité a été plutôt subite. Je suis parti des fonds du bois de Dégelis, et paf, de la calèche au TGV! Je pense qu'aujourd'hui, avec l'expérience, je serais plus capable de faire face à ça.»

Il n'a toutefois pas l'ambition de devenir une «grande vedette» québécoise en France. «C'est plutôt une envie de me déployer un peu plus, dit-il. Ça peut passer pour de la prétention, mais ce n'est pas ça. C'est juste que mes ailes peuvent se déployer un peu plus. Pour aller voir ailleurs, pour découvrir un autre public. En fait, ce n'est pas la France que je veux conquérir, mais moi-même...»

De toute façon, il y aura un «après la France». L'humoriste est chez lui au Québec et il a bien l'intention à la fois d'y trouver une stabilité amoureuse (il est en quête, précise-t-il!) et d'y proposer d'autres spectacles d'humour. Il réfléchit d'ailleurs à une nouvelle formule artistique, différente de ce qu'il a déjà présenté.

«Ce ne serait pas un troisième one man show, dit-il. Ce serait autre chose. Je n'ai pas encore trouvé. Je serais tout seul en avant, quelque chose de plus intime, moins mis en scène.» Une sorte de rencontre avec le public, pour se conquérir et être conquis. «Et partager avec les autres», ajoute l'humoriste.