La troupe suisse, qui s'est imposée au fil des ans comme une pionnière du théâtre de masques et d'objets, présente des spectacles sans musique et sans paroles depuis 41 ans! La Presse a vu des extraits de cette rétrospective des «meilleurs numéros» de la compagnie, de passage à Montréal pour la quatrième fois.

Un tuyau flexible jaune, semblable à un immense conduit de sécheuse, déambule sur scène. Il fait rebondir sur l'un de ses bouts un ballon rouge surdimensionné qui atterrit dans les premières rangées. Après avoir échangé des «regards» avec le public, il se tort, se plie, ses deux bouts se rencontrent, se rapprochent, se lient et se séparent... À vous d'imaginer l'histoire!

«Notre spécialité a toujours été de créer de l'émotion en racontant des histoires à l'intérieur de ces formes abstraites, explique Floriana Frassetto, qui a cofondé Mummenschanz en 1972 avec les mimes Bernie Schürch et Andres Bossard. Plus récemment, notre travail s'est un peu rapproché de celui des marionnettistes dans la mesure où l'on essaie de tenir les choses en dehors des formes.»

Dans un autre numéro présenté à La Presse, deux personnages arrivent sur scène en portant des masques faits de rouleaux de papier hygiénique - deux rouleaux pour les yeux, un pour le nez, un autre pour la bouche. Il y en a un bleu et un rose. On devine une peine amoureuse puisqu'à un certain moment, les rouleaux des yeux se déroulent tout d'un coup jusqu'au carton...

D'autres masques sont faits de pâte à modeler ou de fil de fer. Des costumes gonflables ont également été conçus, notamment pour représenter des lutteurs ou encore des créatures étranges, comme cette immense pieuvre qui se déplace sur scène. Chaque fois, une petite saynète prend forme. Les cinq interprètes de Mummenschanz feront une vingtaine de numéros - tirés des quatre créations de la compagnie.

«Ce sont des histoires de la vie quotidienne, sur les relations humaines, nous dit Floriana Frassetto, dont la dernière présence au Québec remonte aux années 80. Qu'il s'agisse d'histoires amoureuses ou amicales, on évoque les malentendus, la passion, la compétition, la jalousie... Chaque fois, notre objectif est de raconter ces histoires dans un art minimaliste pour que tout le monde puisse s'identifier.»

L'esthétique de Mummenschanz n'est pas sans rappeler l'univers du Cirque invisible - de Jean-Baptiste Thierrée et Victoria Chaplin - avec ces costumes fabuleux qui s'animent sur scène. Mais Floriana Frassetto préfère éviter les comparaisons. 

«On a inventé notre propre langage, nous dit-elle. On s'inspire de la nature, des arts plastiques et des figures mi-animales, mi-humaines des Inuits. Des personnages très profonds et très touchants...»

La troupe n'a-t-elle jamais été tentée de composer des musiques pour accompagner ses pièces? «Non, répond la cofondatrice de la troupe. Notre musique, c'est vous, le public. On s'ajuste toujours en fonction de la réaction des spectateurs, ce qui fait que le spectacle n'est jamais tout à fait le même. Il y a une part d'improvisation qui est propre au jeu clownesque. La musique nous enfermerait.»

Le terme «Mummen-schanz», qui signifie littéralement «la chance de se masquer», est un clin d'oeil au travail du scénographe et peintre allemand Oskar Schlemmer, fondé sur la mobilité de l'espace. «Au départ, on s'appelait "Jeux de fous et de masques", confie Floriana Frassetto, mais ça faisait un peu long... On a préféré ce terme de Schlemmer qui nous décrivait bien.»

Le spectacle familial s'adresse aux «6 à 106 ans», estime Floriana Frassetto. «C'est une pièce avec un côté créatif qui atteint quatre générations d'hommes et de femmes. Avec une ironie subtile et drôle, mais aussi critique des relations humaines. Je crois qu'on a réussi à créer des images fortes qui resteront longtemps en vous.»

Les 19 et 20 décembre au Théâtre Outremont