Il compte parmi ses fans Roman Polanski, Jean-Paul Belmondo et Arturo Brachetti. Avant-hier, à la «générale VIP» de son spectacle, à Paris, il a été la source de fous rires, de «bravos» spontanés et d'une ovation, comme c'est le cas soir après soir. Pourtant, Alain Choquette était pratiquement inconnu en France quand il a commencé ses spectacles au théâtre de la Gaîté de Montparnasse, il y a trois semaines.

Au Québec, Alain Choquette a choisi de rester dans l'ombre au cours des dernières années, préférant les spectacles corporatifs et les conférences aux grandes tournées en province.

«Je me suis effacé, mais j'ai continué de faire une centaine de spectacles par année, raconte-t-il. Une décision d'affaires qui a très bien marché. Mais depuis 10 ans, j'étais frustré de ne jamais être venu ici [à Paris].»

Les Québécois qui débarquent dans la Ville lumière cet automne se surprennent de voir son visage et l'affiche de son spectacle «unplugged» Drôlement magique partout en ville.

«Personne au Québec ne sait qu'on est ici», nous dit Alain Choquette, assis sur la terrasse d'un bar de la rue de la Gaîté, une artère vibrante du 14e arrondissement aux allures de Broadway.

Après avoir assuré la première partie d'Arturo Brachetti l'an dernier à Paris, Alain Choquette donne six spectacles par semaine pendant quatre mois dans la salle de 400 places du Théâtre de la Gaîté-Montparnasse. Un pari audacieux, qui implique «de recommencer à zéro».

«J'ai dans la cinquantaine», rappelle-t-il.

Or, son spectacle Drôlement magique a levé pratiquement le premier soir, avec une critique chaleureuse du quotidien Le Parisien. L'équipe française d'Alain Choquette s'émerveille de le voir séduire aussi rapidement les Français.

Des médias prestigieux comme Télérama s'intéressent à lui. L'illusionniste né à Saint-Adèle multiplie les invitations à la télé et à la radio dans des émissions très regardées (Télématin, The Interview sur France 24).

«On m'avait dit qu'il fallait que je m'attende à avoir 30 personnes dans la salle pendant un mois et de laisser aller le bouche à oreille», a confié Alain Choquette.

Le magicien n'a pas eu à être aussi patient. Avant-hier, Drôlement magique figurait dans le top 5 des spectacles les plus vendus sur le populaire site web parisien BilletReduc. «Pour nous, c'est un rêve, dit Alain Choquette. Je me donnais jusqu'en octobre.»

Préparer le terrain

L'an dernier, Alain Choquette a assuré la première partie du spectacle d'Arturo Brachetti. En mars, le cinéaste Roman Polanski lui a demandé de le faire disparaître de l'intérieur d'un cercueil lors d'une conférence de presse sur une comédie musicale tirée de son film Le bal des vampires.

Alain Choquette prépare le terrain parisien depuis plus de deux ans, secondé par son grand complice, metteur en scène et imprésario Bertrand Petit. Ce dernier a travaillé avec Stéphane Rousseau à Paris, tout comme la productrice déléguée de Drôlement magique, Patricia Moreno (qui a fait la promotion des carrières en France de Stéphane Rousseau et Anthony Kavanagh).

Après plusieurs spectacles vitrines à Paris, le magicien québécois a accepté une offre des propriétaires du théâtre Mogador, qui est derrière de grandes comédies musicales. Mais la crise économique a tout fait avorter. «J'étais hyper déçu. Tout était fait et je me retrouvais devant rien», raconte Alain Choquette.

L'automne dernier, l'illusionniste a fait un autre showcase. «C'était «do or die», puis le théâtre de la Gaîté Montparnasse a accepté de coproduire mon show

«Je le trouve très touchant»

Après trois semaines de spectacles, le pari est pratiquement déjà réussi.

Alain Choquette fascine et séduit, confirme-t-on après avoir vu Drôlement magique deux fois. Sa personnalité attachante et sans faux-semblant lui vaut l'affection immédiate du public.

«Je le trouve très touchant, et nous sommes dans un monde très vivant d'illusions et de magie. J'ai beaucoup aimé», a dit la spectatrice assise à côté de nous, Édith Delarocque.

Alain Choquette se moque des Français et taquine les spectateurs qui veulent participer à ses numéros. Notre autre voisin de siège, un spectateur rebaptisé «Gros nounours», s'est fait traiter plusieurs fois de «deux de pique» et il a joué le jeu jusqu'au bout.

Pendant son spectacle (adapté par Ludovic-Alexandre Vidal), Alain Choquette raconte son enfance à travers son père, Maurice Richard et Fanfreluche. Il revient sur sa carrière à Vegas. Il improvise, fait rire la salle avec une blague sur le président François Hollande. Le public aime son regard d'enfant quand il raconte comment il a réalisé son rêve de devenir magicien.

Les nombreux «c'est impossible» entendus après la générale VIP de son spectacle démontrent aussi à quel point l'illusionniste québécois impressionne le public avec ses tours de magie. Comment la carte choisie par un spectateur dans un jeu imaginaire peut-elle se retrouver dans la main d'un autre participant? «C'est de la magie», répond Alain Choquette, qui conclut son spectacle avec sa célèbre envolée de papillons.

Après la centaine de spectacles qui le gardera occupé tout l'automne, le magicien québécois compte bien prolonger son aventure à Paris si la demande est là.

«Je suis un épicurien et je fais ce que j'ai envie de faire. Pas question de me priver si je réussis à faire ma place. Pour travailler à Paris, il faut s'y installer», dit-il.

«Je n'ai jamais vu ça»

«Chaque spectacle, il y a un «standing ovation». Ce qui se passe avec Alain, je n'ai jamais vu ça», lance Patricia Moreno, productrice déléguée du spectacle d'Alain Choquette.

Femme d'expérience avec les artistes québécois, elle a fait la promotion des carrières de Stéphane Rousseau et Anthony Kavanagh en France. L'ancienne assistante d'Antoine Chouchani (ex-patron de RCA-BMG France) a aussi travaillé avec Roch Voisine, les Colocs et Diane Dufresne, pour ne nommer que ceux-là.

La productrice n'en revient pas de l'accueil réservé au spectacle d'Alain Choquette. «Il séduit énormément. Je n'aurais jamais pensé que le bouche à oreille agirait aussi vite. C'est un démarrage de spectacle comme on voyait avant la crise.»

Même un média «plus élitiste» comme Télérama a accepté immédiatement d'interviewer Alain Choquette, souligne sa représentante en France.

C'est un ex-associé de Stéphane Rousseau, Réjean Villeneuve (un ancien des Productions J), qui lui a présenté Alain Choquette. «C'était il y a trois ans et je ne connaissais rien à la magie, raconte-t-elle. J'ai analysé la perception d'Alain et sa volonté de repartir à zéro ici.»

Patricia Moreno vante la capacité d'adaptation d'Alain Choquette au marché français. «Il est travaillant. Il accepte d'adapter son show au pied levé sans en dénaturer la saveur québécoise. Il a une volonté de faire un spectacle intime avec une dimension plus personnelle, ce qui offre une dimension différente de rires, de poésie et de participation.»

«Le spectacle est participatif et les gens viennent pour ça. C'est la folie», dit-elle.

Photo: Lionel Charrier, MYOP, collaboration spéciale

Alain Choquette devant le théâtre de la Gaîté Montparnasse.