Présenté hier en première montréalaise au Monument-National, le premier spectacle solo de François Bellefeuille, cet ex-vétérinaire converti en humoriste, était très attendu par ses fans. Nous n'avions qu'une seule appréhension, pour l'avoir vu en prestation un peu partout, mais jamais vraiment plus de 20 minutes: est-ce que son personnage de fou furieux allait être supportable pendant 1h30 de spectacle?

La réponse est oui, heureusement. Avec le temps, Bellefeuille a parfaitement su doser le côté tonitruant de sa créature hirsute et toujours de mauvais poil. Le seul défi lancé au public est celui d'entrer dans l'univers particulièrement absurde de l'humoriste.

Les petites choses du quotidien sont majoritairement le lot des comiques de nos jours, mais Bellefeuille va plus loin, ou plus bas, presque jusqu'au degré zéro. On ne sait jamais au juste comment ses blagues vont tomber tellement les sujets semblent sortis comme des lapins d'une boîte à surprise. Sur scène, il semble constamment se défouler, et l'exutoire est partagé, car quand il crie, on rit.

C'est que Bellefeuille parle souvent de choses parfaitement insignifiantes, mais avec trop d'intensité - c'est sa marque de commerce. On se demande comment il réussit à tenir pendant de nombreuses minutes sur des affaires qui «n'ont pas d'allure». On comprend mieux pourquoi le spectacle n'a pas d'entracte, car ce qu'il propose est un peu comme un trip d'acide qui ne peut être interrompu.

Rien de rationnel

Son personnage, toujours à vif, qui parle en grosses lettres majuscules, ne supporte à peu près rien.

Ni les BIXI, ni les régimes, ni les légumes, ni le café, ni les vers d'oreille, ni les fous de Bassan de la Gaspésie (avec qui il a pourtant des affinités stridentes), ni les livres pour enfants, ni même les enfants, encore moins comment ils viennent au monde. S'il pense en avoir, c'est pour faire comme n'importe qui: économiser de l'impôt. Mais il faudrait pour cela qu'il trouve une compagne qui n'aurait pas peur de lui.

En fait, il n'aime pas le monde tel qu'il est, et il va même jusqu'à le découper selon ses propres intérêts, qui n'ont vraiment rien de rationnel.

Il y a quelque chose de pas mal unique chez François Bellefeuille, dans une industrie de l'humour qui compte beaucoup de clones. Il ne peut être au goût de tous, c'est certain, mais c'est parce qu'il ne peut plaire à tous qu'il est justement différent.

Donc, qu'il se démarque. D'ailleurs, côté séduction, il se donne un 6 sur 10, et ça, c'est quand il est habillé. Avec ses lunettes, ses cheveux en bataille, son ton enragé, il est l'envers du stand-up traditionnel. Comme un loup psychopathe dans la bergerie, finalement.

De son passé de vétérinaire, il a retenu le côté animal essentiel à la scène.

Supplémentaires de François Bellefeuille les 2 et 3 mai à l'Olympia.