L'étau s'est resserré mardi en France autour du comédien controversé Dieudonné plusieurs fois condamné pour antisémitisme, son spectacle ayant été interdit à Nantes, où il devait commencer jeudi sa tournée, et devant l'être dans d'autres villes.

A Nantes, le préfet, représentant de l'État, a signé mardi un «arrêté d'interdiction» du spectacle. A Bordeaux, Tours, Orléans, les maires ont pris les devants et annoncé leur décision d'interdire à Dieudonné de se produire dans leur ville.

Le président François Hollande a appelé les préfets à se montrer «inflexibles», «face à l'antisémitisme, face aux troubles à l'ordre public que suscitent des provocations indignes, face aux humiliations que représentent les discriminations».

Une circulaire aux préfets du ministre de l'Intérieur Manuel Valls a précisé lundi dans quel contexte il était selon lui possible d'interdire ce spectacle: outre des risques de troubles graves à l'ordre public, il faut notamment qu'il ne relève pas d'un «dérapage ponctuel qu'expliquerait la libre création artistique» ou qu'il soit susceptible «d'affecter le respect dû à la dignité de la personne humaine».

L'avocat de Dieudonné a déjà assuré que son client «agirait immédiatement» contre toute interdiction. «Bien sûr, il y aura référé», a indiqué à l'AFP Me Jacques Verdier, en rappelant avoir déjà gagné sur ce terrain: les tribunaux administratifs et le Conseil d'Etat ont annulé une quinzaine d'arrêtés d'interdiction visant Dieudonné ces dernières années, au nom du respect de la liberté d'expression.

Sanjay Mirabeau, un autre avocat de l'humoriste controversé, a assuré au micro de RTL que Dieudonné «sera sur scène jeudi soir à Nantes».

Le comédien avait déjà fait savoir qu'il déposerait des recours contre ces mesures et qu'il comptait saisir la Cour de justice de la République (CJR, habilitée à juger les ministres dans l'exercice de leur fonction) «à la suite des accusations attentatoires à l'honneur et à la considération», tenues par M. Valls à son encontre.

Le comédien s'attire par de violentes sorties antisémites et racistes, plusieurs fois sanctionnées par la justice, un public friand de transgressions: 5000 billets ont été vendus pour le seul spectacle de Nantes.

Le cas Dieudonné en Belgique et en Suisse aussi

En Belgique, où il s'est aussi produit, des municipalités ont depuis une dizaine d'années tenté d'interdire des spectacles de Dieudonné, mais leurs décisions ont été cassées, en 2004 et 2009, par le Conseil d'Etat.

La plus haute juridiction administrative du royaume a estimé que les propos tombant sous le coup de la loi antiracisme pouvaient donner lieu à des poursuites, non à une mesure préventive.

En Suisse, où Dieudonné doit présenter son spectacle en février à guichets fermés à Nyon, le Tribunal fédéral, la plus haute instance juridique, avait infirmé l'interdiction de la municipalité de Genève de mettre une salle à sa disposition il y a quelques années.

«On ne peut pas le condamner à l'avance, nous sommes dans un État de droit», a déclaré à l'AFP Olivier Mayor, responsable culture de Nyon.

La polémique fait rage sur les réseaux sociaux à propos de la «quenelle», signe de ralliement des fans de Dieudonné, qu'ils présentent comme «un bras d'honneur antisystème», mais que d'autres interprètent comme un salut nazi inversé.

L'organisation SOS Racisme a annoncé qu'elle poursuivrait les auteurs des «quenelles» quand elles seront faites dans des lieux où elles «ne laissent pas de doute» sur leur caractère antisémite.

Cette polémique intervient dans un contexte de montée du parti d'extrême droite Front National (FN), dont 34% des Français souhaitent qu'il se renforce aux municipales de mars 2014, selon un récent sondage Ipsos.

La classe politique est unanime à condamner les propos «racistes» et «inacceptables» de Dieudonné mais certains élus s'interrogeaient sur la stratégie.

Dieudonné s'est vu infliger un total de 65 290 euros (près de 90 000$) d'amendes, dont il n'a pas acquitté un centime, selon des sources judiciaires. Une instruction a été ouverte sur une éventuelle organisation frauduleuse d'insolvabilité et sur son patrimoine.

La présidente du Front national Marine Le Pen s'est dite «choquée» par les propos de Dieudonné, tout en dénonçant «une sorte de vendetta personnelle» de Manuel Valls à son encontre.