La corruption n'enrichit pas que les crapules au Québec, elle enrichit aussi l'humour de Guy Nantel, qui était littéralement en feu hier soir pour la première montréalaise de son quatrième one-man-show, Corrompu, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.

Pendant près de deux heures, il a mitraillé et maltraité son public qui en redemandait. Pourtant, il essayait de le convaincre qu'il n'était pas fait pour la politique...

On n'est jamais plus libre de critiquer les autres que lorsqu'on se critique soi-même. Et Guy Nantel a énuméré la très longue liste de ses défauts pour mieux nous rentrer dedans. Après toutes ces années, Nantel maîtrise maintenant parfaitement son personnage de bougon toujours fâché et frustré. Et hier soir, il était carrément déchaîné devant un public qui ne pouvait pas être amorphe à force de recevoir des taloches.

Le maire dans la salle

Une ambiance électrique, deux jours après les élections municipales. Et, surprise, le nouveau maire de Montréal, Denis Coderre, était dans la salle, malgré un titre de spectacle à double tranchant pour lui.

Car sa présence a permis à Nantel de lui balancer quelques blagues assez raides. Du genre que la majorité de la salle, compte tenu du taux de participation aux élections, n'avait pas voté pour lui. Si bien que lorsque l'humoriste a parlé de nos «politiciens bandits», quelques spectateurs ont crié: «Hein, Denis?»

Mais quand Nantel a abordé ses complexes et demandé à ses spectateurs d'avouer qu'ils le trouvent plutôt laid sans pour autant tomber dans l'ovation, un seul spectateur s'est levé pour applaudir bruyamment: Denis Coderre. Deux coriaces, finalement!

Oui, Nantel est un coriace derrière sa carapace de «gars ordinaire». S'il a souvent fait l'objet de moqueries de la part de ses pairs, il ne se gêne plus pour égratigner allègrement ses collègues humoristes. Il se plaît à dire qu'il écrit ses textes et n'a pas de scripteur, contrairement aux autres.

Du contenu

Lui qui a toujours voulu faire de l'humour «à contenu» est incroyablement servi par la conjoncture politique et sociale, il avoue même qu'il a du mal à prendre des notes pendant la commission Charbonneau, dont il veut absolument se procurer le coffret DVD tellement il adore ça.

Du contenu, en voulez-vous? En v'là! Heureusement qu'il y a un entracte, on se demande quand il prend le temps de respirer pendant ses monologues.

Il ose même servir pendant quelques minutes un texte qu'il a présenté dans son show précédent, affirmant que de toute façon, nous votons pour des gens qui radotent et nous promettent toujours les mêmes affaires. Et à celui qui dit que la violence n'est pas une solution, il répond: c'est parce que tu ne fesses pas assez fort!

Égocentrique, violent, tricheur, cupide, plein de préjugés, misogyne, homophobe, laid, peureux, irresponsable, cynique, grande gueule, Nantel n'a pas cessé de débiter ses défauts pour mieux pointer les nôtres, dans ce personnage borderline qui emprunte pas mal à Yvon Deschamps, son grand modèle, mais qu'il a su faire sien, totalement.

S'il n'a pas le charisme des plus grandes stars actuelles de l'humour, et il en est conscient et il le souligne, il a en revanche, comme les politiciens de terrain, conquis ses spectateurs un par un, de spectacle en spectacle, pour arriver aujourd'hui à ce que l'on considère comme l'un des meilleurs shows d'humour de l'automne.

Et nous n'avons pas reçu d'enveloppe brune pour aimer ce «corrompu»!