Ce qu'il y a de drôle chez les humoristes, c'est que, pour la plupart, ils commencent leur carrière en riant de leurs parents ou de leurs grand-parents et qu'ils finissent par rire de leurs enfants et... d'eux-mêmes. François Massicotte, qu'on a longtemps vu dans l'émission 450, chemin du Golf, pratique un humour domestique, confortable, sympathique et chaleureux, très loin de la provocation et proche de la banlieue. On trouvait donc étrange le titre de son sixième one-man-show, Jugez-moi, qu'il présentait mercredi en première à Montréal au St-Denis. Car qui le jugera s'il adapte ses blagues à ses nouvelles réalités? Il nous parle de ses cataractes, de son sperme qui ne «scorera» plus comme certains joueurs de hockey bien plus jeunes, de sa belle-mère fumeuse qui habite maintenant chez lui dans une maison «intergénérationnelle».

Cela ne l'empêche pas d'être, malgré tout, souvent collé à l'actualité, comme lorsqu'il parle des déboires de Montréal, dont l'hôtel de ville devrait selon lui être rebaptisé le «motel de ville» tellement on se fait «fourrer». Sa «commission Massicotte», très drôle et malheureusement trop courte, visait à démontrer que nous sommes tous un peu «crosseurs». La preuve: avez-vous vraiment payé tous les stylos que vous avez chez vous? Il propose aussi sa Charte Massicotte, car, après un référendum dans la salle, la majorité des spectateurs ont déclaré qu'ils se foutaient de la fameuse Charte des valeurs québécoises, et ce n'est pas dans ce show consensuel qu'on allait y réfléchir. Sa charte à lui vise à interdire des choses plus irritantes que des signes religieux, comme les gardiens de sécurité qui se prennent pour Robocop, les forfaits de chaînes télé groupées qui imposent le Canal Cupcake ou l'obsolescence programmée des jouets d'Apple.

Entre quelques blagues convenues qu'on a l'impression d'avoir entendues mille fois (les filles qui font de trop grosses boîtes dans les déménagements, encore, vraiment?), Massicotte réussit toujours à en balancer d'excellentes qui touchent la cible. Elles concernent souvent le temps qui passe, peut-être l'un des grands sujets de tout humoriste, observateur de son époque, qui acquiert une profondeur de champ à mesure qu'il vieillit. À ce sujet, sa virée dans le bois imposée à ses enfants drogués à la techno, qui tombent brutalement en sevrage lorsqu'ils découvrent que le bois n'est pas branché sur le «wi-fi», est réussie. Avec seulement une lampe de poche, Massicotte, en faisant la morale aux ados, nous la fait à nous aussi. «Quand j'étais jeune, aller jouer dehors, c'était pas une punition, mais une récompense», dit-il, et ça vaut pour tout le monde. Heure de tombée oblige, nous avons dû partir avant la fin, mais tout semblait aller bon train, comme la carrière de l'humoriste d'expérience qui poursuit paisiblement son chemin.