Un producteur voudrait réunir cette affiche qu'Il ne pourrait pas: trop de stars, trop cher, trop compliqué.

Parce qu'ils se souviennent, parce qu'ils peuvent être autre chose que des je-me-moi et, surtout, pour le plaisir qu'ils ont eu ensemble, ils étaient là, lundi soir, ceux qui, il y a 25 ou 30 ans, ont fait leurs débuts aux Lundis des Ha-ha du Club Soda de l'avenue du Parc.

Imaginez un peu que pour votre party d'anniversaire, vous avez, pour vous faire rire, André-Philippe Gagnon, Rémy Girard, Rock et Belles oreilles, Brathwaite, François Léveillée, Marie-Lise Pilote et Lise Dion.

Et Michel Barrette qui animait ce super gala intitulé Je suis né un lundi au Club Soda pour marquer le 30e anniversaire de la célèbre salle descendue sur la Main en 2000.

Le plus vieux souvenir de Guy A. Lepage du temps des Ha-ha, nous dira-t-il avant le spectacle? «Bruno qui faisait Robert Cash...» Et Landry d'ouvrir le show en Cash le motivateur: «Toé! toé! toé! toé! Refuse d'être un loser!» Puis voilà l'ancienne du Groupe Sanguin Marie-Lise Pilote en Loretta Tanguay, chanteuse alcoolique et loser jusqu'au bout: «Je me suis pendue avec une corde à linge mais il s'est mis à mouiller et la voisine m'a rentrée.»

Le Soda, rempli à capacité de quinquagénaires volontaires, a levé quand RBO - Landry, Lepage et André Ducharme, pionnier du rap joual - a livré un énergique Ça rend rap. «On est comme Loco Locass, a lancé «Guyat», mais jaunes...»

La langue et ses problématiques ont été expliquées successivement par Sylvain Laroque, ami du «e» muet, et Sylvie Potvin en francophone du Manitoba obligée de se parler toute seule parce que ils ne sont pas nombreux...

Le punch d'avant l'entracte - où l'on a entendu Doucement de Liane Foly : très eighties - est venu d'André-Philippe Gagnon, le seul qui peut imiter deux personnes en même temps: la stepette de Ding et le regard de biais de Dong, les pères des Lundis des Ha-ha. Et la foule a applaudi son éternel chouchou, hors du temps avec Boy George et Men at Work mais impayable en Richard Desjardins et en Barry White.

La «grand-mère des humoristes», Louise Richer, la première directrice artistique des Lundis des Ha-ha qui est restée dans la jeune quarantaine, est revenue pour un soir en Ti-Mousse blonde, aux côtés de Ti-Gus Barrette. «Hé qu't'es fou!»

Un winner, historique à bien des égards: le chansonnier québécois mal engueulé qui a valu à JiCi Lauzon la première véritable ovation de la soirée. Pour un gars qui a quitté la scène... «J'ai commencé au Soda comme humoriste; après, j'ai passé à Virginie comme comédien. Des bouts, tu fais rire; des bouts, tu fais chier...»

François Léveillée a suivi avec son directeur d'école multiethnique qui, au nom de l'inclusion, voudrait faire mettre «une fleur de lys sur les petits poignards» des étudiants Sikhs...

Dans les numéros qui ne vieillissent pas, il faut bien compter le  Roger Goéland de Rémy Girard. Ce chansonnier de la mer hyper-zen a tendance à s'énerver un peu quand la foule n'arrive pas à suivre le rythme (pas zen du tout) de son tube J'étais sur mon bateau. Au quai!

En matière de rythme, justement, il faut dire que Lise Dion est dure à battre avec ses combinaisons une-deux: mise en situation-punch! Championne de l'autodérision, celle qui a «le poids d'une femme de 8 pieds 3» explose littéralement quand elle va magasiner pour se trouver un maillot de bain. «L'autre jour, j'suis tombée en amour avec un deux-pièces mais j'étais chez Brault & Martineau...»

La soirée s'est terminée en musique - les comiques d'ici sont forts en musique - avec Claude Meunier et Normand Brathwaite qui ont interprété les plus beaux titres du duo western Noël et Janvier Denuy: Kojak, Mauvaise mine et surtout C'est Noël (Car il neige dans ma têteuh...)

Simon Proulx, le chanteur des Trois Accords, est venu marquer l'appropriation du Soda par les nouvelles générations, rehaussant du coup la qualité vocale  du petit ensemble. En finale, le trio ad hoc a livré un vibrant Sasketchewan, comme si le Soda, pour se rendre à son prochain grand anniversaire, devait regarder vers l'ouest...

Entretemps, son gala du 30e sera diffusé à la Télévision de Radio-Canada le 9 janvier.



Le Club Soda en cinq dates


> 1982 : Guy Gosselin, André Gagnon (le cinéaste), Joseph Martellino et Martin Després imaginent un lieu de spectacle nouveau genre qu'ils installent dans une ancienne salle de réception, à l'étage d'un magasin de tapis de l'avenue du Parc, le cabaret Club Soda.

> 1984 : Ding et Dong (Claude Meunier et Serge Thériault), «les deux gars habillés en peaux de vache», animent la première des Lundis des Ha! Ha! , soirées d'humour qui feront la renommée du tandem et du Club Soda, qui devient alors l'endroit le plus couru en ville... le lundi soir.

> 1985 : Les promoteurs de spectacles rock Rubin Fogel et Michel Sabourin deviennent les actionnaires principaux du Club Soda. Jusqu'en 1999, année où il quittera l'avenue du Parc, le Soda recevra Fine Young Cannibals, Lenny Kravitz, Chris Isaak et autres.

> 1987 : Le Groupe Sanguin donne 89 spectacles au Club Soda, ce qui reste à ce jour le record de l'établissement toujours géré par Martin Després.

> 2000 : Le premier jour du premier printemps du siècle, le «nouveau Soda» ouvre ses portes dans l'espace qu'avaient occupé le cinéma Crystal puis le cabaret New Orleans, dans l'ancien district Red Light de la Main. Un projet de 4 millions avec balcon rétractable.

source: Club Soda