En revisitant la comédie musicale Singin' in the Rain, en français, Gilbert Rozon a couru un risque... calculé. Car en confiant la mise en scène à Denise Filiatrault, Juste pour rire peut dormir tranquille. À 81 ans, la femme de théâtre a toujours la même passion pour les comédies musicales, et le don de les rendre efficaces et divertissantes à force de travail. Beaucoup de travail.

Il suffit de voir (ou de revoir) le film, avec Gene Kelly, Donald O'Connor et Debbie Reynolds, pour se rendre compte du travail colossal qu'exige une adaptation théâtrale de cette comédie musicale sortie sur grand écran en 1952. Avec tous ses changements de décors et de costumes. Ses nombreux numéros dansés, ses extraits de films muets, ses plans rapprochés, sans oublier les trombes d'eau, que Denise Filiatrault nous promet abondantes.

Gilbert Rozon lui a plusieurs fois lancé le défi de monter cette comédie. Mais la directrice du Rideau Vert, qui a fait des classiques My Fair Lady et La mélodie du bonheur des succès populaires et critiques, a d'abord refusé d'aller de l'avant. Qui chaussera les claquettes de Gene Kelly? a-t-elle répondu à Rozon. Lorsqu'elle a trouvé Renaud Paradis, elle a accepté. Il avait la voix, la grâce et le charisme de l'acteur américain. Et même une certaine ressemblance, pourrait-on ajouter.

Comme The Artist

Singin' in the Rain, rappelons-le, relate le passage du cinéma muet au cinéma parlant. Exactement le thème du film The Artist, avec Jean Dujardin, qui a triomphé aux Oscars. D'ailleurs, le réalisateur Michel Hazanavicius a souvent dit s'être inspiré du film de Stanley Donen et de Gene Kelly, même si son scénario est un peu différent de l'original. De toute façon, tout part du film, qui a précédé la comédie musicale de Broadway. Ç'a également été le point de départ de l'équipe de création.

Don Lockwood, populaire acteur de films muets, forme un duo «gagnant» avec la superficielle Lina Lamont. Ils représentent tous deux le couple glamour par excellence, et n'hésitent pas à entretenir un certain flou sur leur relation prétendument amoureuse. Lorsque leur producteur décide d'emboîter le pas aux premiers films parlants, Lockwood et son ami d'enfance Cosmo Brown (un pianiste qui interprète les musiques de films) se lancent dans l'aventure. Mais Lina, avec sa voix de crécelle, gâche le tableau...

Dès le début du scénario, Lockwood fait la rencontre d'une jeune actrice de théâtre (Kathy Seldon), qui méprise les vedettes de films muets. Évidemment, ce «rejet» fera naître une passion pour la jeune femme, qui chante et danse magnifiquement. Le hasard fera qu'ils travailleront ensemble sur le nouveau film parlant. Pour corriger la voix horrible de Lina, le producteur accepte de la faire doubler par celle de Kathy, à l'insu de l'actrice-vedette. Suivra la création d'une comédie musicale, sur fond d'histoire d'amour entre Lockwood et Kathy.

Divertissant

Au total, ce sont 28 comédiens-chanteurs-danseurs qui redonneront vie à ce classique de la comédie musicale. Outre Renaud Paradis, dans le rôle de Don Lockwood, René Simard sera son ami Cosmo Brown, Marilou Morin jouera le rôle de la jeune Kathy Seldon et Pascale Desrochers interprétera le rôle de la vedette déchue, Lina Lamont. «J'ai la chance d'avoir des interprètes formidables, qui chantent et dansent divinement bien, nous dit Denise Filiatrault. Je peux vous dire que ce sera très divertissant!»

La metteure en scène s'en est tenue au scénario du film, même si elle a dû couper dans le texte. «On travaille très fort pour que ça ait l'air d'une comédie musicale des années 20, nous dit-elle. J'ai vu une production à Londres l'an dernier, mais j'ai été déçue. Je m'attendais à plus; les comédies musicales font quand même partie de leur culture, de leurs moeurs. La pluie sortait des sprinklers. Je croyais les critiques londoniens plus sévères, mais tout le monde a aimé. Moi, je ne veux pas qu'on voit des sprinklers... Donc, on travaille là-dessus.»

Le musicien et traducteur, Yves Morin, en est à sa huitième collaboration avec Denise Filiatrault. La traduction de classiques comme Good Morning, Singin' In The Rain, Make'em Laugh, You are my Lucky Star sont-elles dénaturées lorsqu'elles sont traduites en français? «Je ne crois pas, répond-il. Je trouve ça important que la langue chantée soit la même que celle qui est parlée, nous dit-il. Ça évite les coupures... Dans Chantons sous la pluie, le plus difficile a été de trouver le bon ton. Parce qu'il n'y a aucune ironie dans ce texte, il y a une pureté de sentiments qu'on ne retrouve plus aujourd'hui. Mais j'ai trouvé ma clé en réécrivant les chansons à la manière de Charles Trenet. Dans Trenet, il y a une poésie réelle, une joie, une simplicité. C'était mon guide.»

50 minutes de danse

Il reste que ce spectacle contient de nombreux segments dansés. Maud St-Germain et Olivier Loubry ont signé toutes les chorégraphies de la pièce, environ 50 minutes au total. Lui s'est occupé des segments de danse à claquette; elle, de la portion lyrique et jazz. «J'ai visionné le film en boucle au cours des derniers mois, nous dit Maud St-Germain, vue dans Chicago. Mais aussi les chorégraphies des films de Busby Berkeley. Et puis plusieurs films avec Fred Astaire, Gene Kelly, Cyd Charisse, Ginger Rogers, etc.» Rien n'a été laissé au hasard.

Quand je vous dis qu'il y a du travail là-dessous...

Chantons sous la pluie, à la salle Pierre-Mercure du 3 au 14 juillet, puis du 17 au 28 juillet. Au Théâtre St-Denis du 7 au 18 août.