Le duo Ben & Jarrod occupe un créneau délaissé dans le paysage humoristique québécois saturé de stand-up: l'humour à personnages. Beaucoup de personnages. On ne parle pas de duos comme les Denis Drolet ou Sèxe Illégal, qui ne quittent jamais leurs costumes, mais de deux gars qui aiment se déguiser pour faire rire leur public. Ce n'est pas pour rien que leur premier spectacle s'intitule Personnagistes. Ben&Jarrod sont les fiers descendants des cabarets, du slapstick, de l'humour à sketchs, de l'esprit des «variétés», des Roméo Pérusse, Gilles Latulippe ou Claude Blanchard, réactualisant - à peine - un type d'humour qui a été populaire pendant des décennies au Québec.

Ben & Jarrod piochent allègrement dans ce répertoire, les spectateurs plus vieux verront venir beaucoup de blagues à l'avance - surtout les blagues de pénis - tellement il s'agit d'un retour à la base. Ce show n'a rien de «branché», c'est un voyage dans le temps, ça pourrait presque se passer en 1959. Mais on s'étonne de rire quand même d'un humour si bon enfant, si primaire qu'on le dirait primitif. Dans leurs numéros, pas de messages, pas de sous-textes, pas vraiment de méchanceté, que du «niaiseux» et parfois même du «très niaiseux».

Aucun de leurs personnages n'est très brillant: des rappeurs tellement insignifiants qu'ils n'ont même pas de casier judiciaire pour impressionner qui que ce soit, un agent de sécurité qui se prend pour un super flic, les mafiosi Vinny et Tony, incapables de tuer leur otage, le couple Brigitte et Christian, pathétique dans ses tentatives de raviver la flamme avec des jeux érotiques, ainsi que des pingouins fumeurs, des sommeliers soûls et un placier bègue.

Les personnages de Ben&Jarrod évoluent tous au ras des pâquerettes, mais surtout en bas de la ceinture. Les deux interprètes, eux, ont sur scène un naturel qui permet de faire gober cet humour qu'on pensait anachronique.

C'est bizarrement un humour accessible à un vaste public mais qui ne peut plaire à tout le monde. Il est évident que les deux humoristes s'amusent pour vrai, ce qui est contagieux. Les numéros s'enchaînent bien, aucun n'est trop long, mais, seule ombre au tableau, le dernier numéro est vraiment plus faible que les autres.

Ben & Jarrod, Personnagistes, au St-Denis ce soir et demain, en supplémentaires les 1er et 2 juin.