Amoureux de la langue française, l'humoriste wallon Bruno Coppens jongle avec les mots comme le faisait Marc Favreau. Avec finesse. Héritier belge de Sol, Bruno Coppens vient au Québec présenter Ma Terre Happy!, son troisième one man show. À point nommé pour réveiller notre esprit et réchauffer nos zygomatiques...

Q: Depuis votre dernière visite chez nous, vous avez pris quelques cheveux gris. Est-ce la crise politique en Belgique qui vous fait vieillir prématurément?

R: La grande idée en ce moment en Belgique, c'est que tout le monde se laisse pousser la barbe jusqu'à ce qu'on ait un gouvernement! On ne se rase plus!

Q: Donc, avec la crise entre Flamands et Wallons, vous aviez besoin d'une thérapie?

R: La Belgique en aurait besoin, mais 10 millions de personnes sur un divan, c'est difficile!

Q: On vous décrit comme un croisement entre Sol et Raymond Devos. Est-ce une génétique appropriée?

R: J'ai eu les deux influences. Avec Devos, j'ai appris un langage qui n'est pas celui du dictionnaire où tout est barricadé. Mais le grand choc de ma vie a été Sol. J'avais 18 ans quand je l'ai vu pour la première fois. Je faisais déjà des jeux de mots en famille ou pour déclarer ma flamme, à 15-16 ans, mais je ne pensais pas qu'un spectacle complet pourrait être supportable à l'audition! Quand j'ai vu Marc Favreau, je suis tombé par terre!

Q: Vous l'avez rencontré par la suite?

R: Je suis allé le voir trois ans plus tard avec un de mes tout premiers textes. Il m'a bien guidé dans l'écriture et m'a donné confiance en moi. J'ai eu le bonheur de le retrouver plus tard, il y a une dizaine d'années, au Lion d'or. Il était adorable.

Q: Ma Terre Happy! est votre troisième one man show.

R: Le troisième après La déclaration d'humour en 2001 et Bain zen en 2004.

Q: Comment est née Ma Terre Happy!?

R J'écris tout le temps, sur l'économie, la politique, la culture, l'amour. Quand j'ai un bloc de textes, j'en parle à mon metteur en scène, Éric de Staercke. Là, j'avais envie de parler du rapport du comédien avec le souffleur de théâtre, une sorte de voix extérieure, mais aussi intérieure. En délirant là-dessus, je me suis dit que quand quelqu'un entend des voix, on l'envoie chez un psy. Le show est né comme ça.

Q: De quoi parlez-vous dans Ma Terre Happy!?

R: Je parle du langage des gens, du politiquement correct, de ce qui ne va pas dans le monde, puis c'est plus personnel, avec ma vie, mes rapports aux femmes. Mon souffleur devient mon souffle-douleur!

Q: Pour le spectacle québécois, l'adaptation a été faite par l'humoriste Pierre Légaré, qui décrit votre spectacle comme étant attendrissant, dramatique et rempli d'autodérision.

R Pierre, je le connais depuis plus de 10 ans. Pour Bain zen, il avait fait quelques petites adaptations et là, il s'est lâché un peu plus. Je lui ai donné plus de marge. Il m'a réécrit des petits morceaux pour que le texte puisse être compris avec vos références.

Q: Avec Pierre Légaré, il y a une affinité de style?

R: Beaucoup d'humoristes québécois n'arrivent pas à passer l'Atlantique car dans leur façon de raconter les choses et avec leurs références, nous, on est un peu largués. Mais Pierre, avec ses petites phrases philosophiques, ses adages et ses maximes, ça fonctionne très bien.

Q: Il n'y a aucune vulgarité dans vos textes alors qu'au Québec, la vulgarité en humour est plutôt populaire.

R: Je ne sais pas si c'est mon éducation, mais je pars du principe que quand on a la chance d'être sur scène et que des gens viennent vous voir, des blagues de cul, tout le monde vous en fait toute la journée, au bureau, au café et dans les fêtes de famille, alors... Moi, j'aime bien montrer que les mots de la langue française peuvent nous faire découvrir d'autres sens et nous permettre de réfléchir à d'autres points de vue sur les choses. Alors ma «thérapie», par exemple, quand on coupe le mot en deux, on découvre «ma Terre Happy». Et c'est ça que je recherche.

Q: Dernière question: à la veille de votre venue, vous vous faites du mauvais sang?

R: Un peu oui, car les mots filent!

Ma Terre Happy! par Bruno Coppens, au Cabaret du Lion d'or, les 25, 26 et 27 janvier.