C'était l'un de ces grands soirs à l'Olympia. Pas une première à vedettes et autres «people»: manifestement, la production s'était abstenue de sortir le carnet d'adresses qui sert à faire les belles photos de fin de spectacle. C'était juste un soir de triomphe où quelque 2200 anonymes, des couples dans la trentaine, des parents avec des enfants adolescents, ont acheté les places jusqu'au dernier strapontin pour venir acclamer Véronic DiCaire, imitatrice franco-ontarienne dont personne n'avait entendu parler en France il y a tout juste un an.

Si l'on ajoute à ces deux Olympia à guichets fermés deux soirées supplémentaires les 3 et 4 juin prochains, on conviendra qu'on a affaire à l'un des triomphes canadiens-français les plus fulgurants des récentes décennies.

Samedi soir, vers 23 h, le «one woman show» de 90 minutes s'est terminé sur une série d'ovations monstres, notamment après l'imitation époustouflante d'Édith Piaf, puis le duo Céline Dion-Maurane en rappel. L'un de ces soirs où l'on se demande si le public ne va pas casser les fauteuils ou faire s'écrouler le bâtiment.

Qu'à cela ne tienne: 20 minutes plus tard, en grande professionnelle, Véronic DiCaire, changée et pomponnée, fait son entrée dans l'arrière-scène du théâtre, où l'attendent quelques dizaines de parents, amis et journalistes. Le succès absolu est arrivé si vite pour elle qu'elle ne trouve rien à dire sinon qu'elle est «sans voix» et qu'elle «remercie tout le monde d'être venu».

«Effectivement, nous dit-elle, tout est allé si vite! Jamais je n'aurais imaginé me retrouver à l'Olympia pour une série de spectacles un an à peine après mon arrivée à Paris. Je voyais que ça montait, mais il m'a fallu attendre le mois de novembre dernier pour comprendre ce qui m'arrivait. D'abord, je me voyais installée pour sept soirées à La Cigale, avec ses 800 places. Et soudain, le 14, j'ai vu une salle pleine à craquer à Paris, l'accueil en province était fantastique et l'Olympia était en vue. Je me suis dit qu'il se passait quelque chose d'énorme.»

De son côté, Rémon Boulerice, mari et agent de la nouvelle star française, admet qu'il ne s'attendait pas à un triomphe aussi rapide: «Véronic n'est pas une chanteuse, il était donc impossible de lancer sa carrière française par un single à la radio. On avait prévu large en réservant la petite salle du Gaîté Montparnasse pour 45 soirs, à partir de février dernier. On comptait sur le bouche à oreille. Et puis sur la télévision. De ce côté-là, les résultats ont dépassé toutes nos espérances.»

L'atout René Angélil

Véronic DiCaire profitait, il est vrai, de quelques appuis non négligeables puisqu'elle était parrainée en France par la maison Angélil-Dion, ce qui ne nuit pas lorsqu'il s'agit de trouver un producteur - ce sera le tout-puissant Gilbert Coullier - et d'avoir accès à la télévision.

Un mois avant ses premiers spectacles au Gaîté Montparnasse, l'inconnue a donc le privilège de se faire inviter à l'émission hebdomadaire de Michel Drucker: «René Angélil m'a téléphoné pour me dire de bien prendre soin d'elle», note l'animateur. Angélil est une sacrée carte de visite. Mais qui ne suffit pas pour se faire inviter sur tous les plateaux de télévision.

Il y a donc autre chose: même débutante à Paris, Véronic impressionne et séduit le milieu professionnel avant même d'avoir vendu des billets. Le lendemain même de sa première, le 11 février, elle a l'honneur suprême d'apparaître au téléjournal de TF1 où elle est qualifiée de «virtuose, phénomène et bête de scène». Dans les neuf mois suivants, elle fera le TJ de TF1 à deux reprises, en plus d'offrir une demi-douzaine de performances en début de soirée lors de grandes émissions de variétés, Les années bonheur, le téléthon, etc. Le 13 octobre dernier, elle a fait une nouvelle apparition à Vivement dimanche de Drucker où, par son interprétation de Piaf, elle a arraché des larmes à Alain Delon!

«Il y a deux modèles d'imitatrice, explique Rémon Boulerice. Le modèle français, qui relève de la parodie et du texte. Et l'américain, qui relève de la pure performance: Véronic est de cette école. Comme André-Philippe Gagnon.»

Samedi soir, le public français a manifesté sa préférence pour «ses» chanteuses: Véronique Sanson, Olivia Ruiz, Mireille Mathieu, Dalida, France Gall, Patricia Kaas, Mylène Farmer et quelques autres. Mais, de toute évidence, il a aussi apprécié au plus haut point le défilé de chanteuses américaines, avec une salve d'applaudissements pour chaque numéro. Comme on le fait au cirque pour les acrobates et les équilibristes. On ne vient pas voir Véronic DiCaire pour l'humour ou les textes, mais plutôt pour la performance à l'état pur: une cinquantaine de chanteuses plus vraies que nature pour le prix d'une seule. «C'est la femme juke-box», a écrit un journal belge. Unique en son genre.