Pendant plus de 30 ans, il nous a fait rire aux larmes. Ce n'était donc que justice qu'on lui rende la monnaie de sa pièce. Et lundi, au Théâtre Saint-Denis lors du gala en son honneur, Claude Meunier a ri. Et pleuré. Entre l'absurde et l'émotion, Stéphan Bureau a encore réussi son hommage, en réunissant la famille, d'origine ou d'adoption, du grand comique.

Les spectateurs, comme «l'hommagé», ont été accueillis par une haie d'honneur de Ti-Mé. Des dizaines de figurants portant les célèbres barbe et lunettes de Popa. Déjà, on sentait Claude Meunier ému par les applaudissements du public, et il s'est précipité dans les bras de Serge Thériault, qui était là, bien sûr. Cette soirée, c'était aussi celle de Serge Thériault, le partenaire d'une vie.

Et c'est nul autre que Yvon Deschamps, un autre hommagé, qui ouvrait la soirée. Selon lui, ce n'est pas Claude Meunier qui a ruiné sa carrière, mais Gilbert Rozon! «Mais Meunier, il m'a rachevé». Il a raconté les visées révolutionnaires du jeune comique à ses débuts, qui a tout balayé sur son passage. «Ce n'est pas Claude Meunier et Serge Thériault qui font Popa et Moman, c'est Ding et Dong, on comprend pu rien!».

Les Chick N, Swell ont fait un «hommage aux plus grands pour les nuls» qui n'a pas beaucoup levé - l'absurde est une chose difficile à manier, ça passe ou ça ne passe pas, il n'y a pas de milieu. Puis, André Ducharme, ex-RBO, qui n'avait pas fait de scène depuis 20 ans, a livré son numéro de lifeguard bilingue, tout seul dans son speedo, ce qui a provoqué un fou rire continu dans la salle. L'arrivée d'André-Philippe Gagnon, pour souligner l'apport des Lundis des Ha! Ha!, était un triomphe, parce qu'il incarnait parfaitement Ding et Dong à lui tout seul, avec le talent qu'on lui connaît. Il faisait renaître l'ambiance du Club Soda - «Pas le nouveau, l'ancien, celui avec du monde dedans»... C'était comme s'ils étaient là!  Dominic et Martin ont bien essayé de faire de même, sans succès: leur excellent numéro, hilarant, était basé sur leur incompréhension de l'absurde. Les vrais fils illégitimes de Meunier se trouvaient pas mal plus du côté des Denis Drolet, bien sûr. Et ils lui en veulent. «C'est de ta faute, tu nous a volé les meilleurs jokes absurdes!».

Le segment hommage à son théâtre, mis en scène par Dominic Champagne, et mettant en vedette ses plus récents interprètes, était un florilège des meilleurs lignes de ses pièces Les Voisins, Broue ou Appelez-Moi Stéphane, avec au final une déclaration d'amour qui a carrément fait craquer Meunier dans la salle.

Sur vidéo, Stéphan Bureau a mis la main sur des incontournables qui ne pouvaient être sur scène. Apparition de Louis Saïa en Tony Accurso, Yves P. Pelletier dans la peau de son curé pour les sourds, M. Caron ou Cherze, et, grosse surprise pour Meunier qui avait exigé à la blague la présence des Beatles et des Monty Python à son hommage, les caméos de John Cleese, et George Martin, ancien producteur des Beatles! Meunier n'en revenait tout simplement pas.

Sur le plan musical, Les Trois Accords étaient de mise avec leur medley, mais ce sont les «Paule et Paulettes» (Ariane Moffatt, Sylvie Moreau et Mara Tremblay) qui ont volé le show avec leur medley country tout simplement irrésistible.

La soirée s'est déroulée comme un crescendo avec l'arrivée d'André Sauvé, puis de Stéphane Rousseau et Jean-Michel Anctil. Décidément, Sauvé est un grand interprète, qui avait soufflé tout le monde l'an dernier au gala hommage à RBO. Il a répété l'exploit avec le numéro du boxeur, parfaitement dans le ton. Tout son monologue était une preuve des séquelles du métier. De leur coté, Rousseau et Anctil en Popa et Moman étaient au poil (c'est le cas de le dire).

Cet hommage sensible ne faisait que révéler la contribution exceptionnelle de Claude Meunier dans le paysage culturel du Québec. C'est toujours impressionnant de voir ce qu'une seule personne, qui sait bien s'entourer, peut créer comme détonation dans sa société. Moins baveux que l'hommage à RBO l'an dernier, de par la nature insaisissable du personnage, ce gala était un peu plus inégal, mais à la hauteur d'un défi plus colossal. Car il est difficile d'être plus génial que l'original.