Pas besoin de m'infliger le supplice de la goutte chinoise, j'avoue! Je suis accro à Facebook. (Pour les gens qui vivent dans une caverne depuis trois ans, Facebook, c'est la version virtuelle de nos grands-mères qui se berçaient sur leur galerie, le soir, pour écornifler chez les voisins.)

Je suis Alex P., drogué et facebookien. Une journée sans facebooker et je ressemble à la petite fille qui ne va pas bien dans le film L'exorciste. Je parle le vieux latin, je vomis de la bile verte et ma tête fait des 360 degrés sans arrêt. Mais avec ma ration quotidienne, je fonctionne à merveille!

J'habite virtuellement Facebook depuis deux ans et lentement, sournoisement, j'y suis devenu mon pire ennemi. Incapable de me défaire de ce plaisir viscéral! J'y passe et j'y perds beaucoup de temps! Combien de fois ai-je interrompu mon travail pour aller jeter un coup d'oeil à mon profil? Combien de fois ai-je parlé au téléphone avec ma mère en même temps que je répondais à un quiz fort utile qui allait me révéler (enfin) lequel des Calinours me ressemblait le plus? Si ma maison était en feu et que je devais choisir entre aller «poker» un ami sur Facebook ou sauver ma chatte, je me dirais qu'un nouveau chat, on peut en trouver facilement à l'animalerie Yogi!

Je me suis moi-même pris en otage sur Facebook. Pourquoi résister aux ennemis facebookiens quand c'est si bon! Comment ne pas se vautrer dans l'orgasmique plaisir de regarder les photos de nos contacts? En maillot de bain, au Zoo de Granby, en bobettes saoul mort sur un divan, en train de donner un gros bec sur la joue de mamie pour sa fête au Vieux Duluth, voir les cousines germaines d'Anne-Marie Losique qui se sucent un doigt tout en lissant leur bikini Budweiser.

Pourquoi se passer de la lecture des statuts de tous et chacun? Cent fois plus divertissant et plus punché qu'une saison de Virginie! C'est comme suivre la vie des gens par le trou de la serrure et avec leur approbation en prime! Trouvez-moi un seul club social où l'on peut à la fois côtoyer monsieur et madame Tout-le-Monde, des vedettes, des sportifs, des stars pornos, des travestis, des intellos, des grands-mamans, des poètes et des vendeurs d'assurance? Nulle part! C'est comme une grande macédoine en conserve Habitant! C'est recevoir la planète entière dans son salon sans avoir à fournir les sandwichs pas de croûte et la liqueur brune!

Enfin, je peux, en même temps, faire partie d'un groupe qui milite pour ramener la Roue chanceuse, un autre qui regroupe les fans de Janine Sutto ou encore être de celui qui rassemble les gens qui aiment baiser sur les tables de cuisine. Oui, madame, les VRAIES choses! Comment aurais-je appris aussi vite que Michael Jackson était capoute? Facebook regorge de nouveaux musiciens, de peintres, de bijoutiers, de photographes et j'en passe! Francine Grimaldi en perdrait sa vadrouille!

Je sais que je devrais résister, combattre l'ennemi et me sevrer, mais je n'en ai vraiment pas envie. Pourquoi? Parce que derrière les profils virtuels, il y a des êtres humains qui ont envie de communiquer, s'amuser, se choquer, s'envoyer chier, se féliciter, se cruiser, s'exhiber, s'adorer, se retrouver, passer le temps, découvrir et... vivre. Je sais, ce n'est pas comme la VRAIE vie, mais moi, je dis: pourquoi pas?