Le premier tour sur scène en solo d'André Sauvé, à 42 ans, n'est pas qu'un spectacle d'humour; c'est aussi une prestation théâtrale et une thérapie. Qu'un gars de quelque 120 livres avec autant de bibittes dans la tête réussisse à tenir le coup devant public, pendant 90 minutes, reste un mystère.

Sur une scène habitée par une immense porte et une fenêtre donnant sur un paysage à la Magritte, l'humoriste a décidé d'entretenir l'image du gars fou, confus et singulier.

Si le rrrrouleemnt de ses «r» amène de la fraîcheur, il en va de même de ses thèmes, qu'il balance en ne ménageant ni les digressions ni les aveux (fictifs?) de défaillance psychologique. «Dans ma tête, il y a beaucoup de pensées. Ça va tout' faire du sens à un moment donné!», avertit Sauvé dans un premier numéro essoufflant.

Ceux qui l'ont connu au Festival Juste pour rire ou qui apprécient ses chroniques à 3600 secondes d'extase seront comblés. Le temps de 10 numéros (dont quelques-uns déjà présentés à Juste pour rire), André Sauvé fait honneur à sa réputation de gars troublé... qui peut tomber sur les nerfs de quiconque n'apprécie pas les textes chargés, philosophiques, insaisissables et livrés sans prendre le temps de respirer. Avec André Sauvé, une course à l'épicerie se métamorphose en crise existentielle. Une discussion peut conduire à un exercice de haute voltige sur un divan.

S'il y a une unité dans ce spectacle (présenté en première montréalaise mardi) dont les numéros ne forment pas forcément un tout, c'est l'originalité des propos et des présentations parfaitement assumées. André Sauvé, qui fait dans l'humour depuis seulement trois ans, est étonnamment très à l'aise sur scène et sait communiquer avec le public.

Cela dit, on voit parfois l'ombre du Dany Verveine et du gars fatigué du duo Lévesque-Turcotte dans certaines prestations de l'humoriste. On doute, par ailleurs, que son Indien optimiste qui ne s'exprime qu'en anglais ait autant d'impact loin de Montréal et qu'un hommage émouvant au monologue Le bonheur d'Yvon Deschamps soit la meilleure façon de terminer un spectacle, surtout lorsque livré après un numéro hilarant de variations linguistiques sur le poème Soir d'hiver de Nelligan.

Mais laissons André Sauvé, dont l'humour absurde est étudié et réfléchi, faire à sa tête bouclée. Car, comme le dit l'humoriste: «C'est quand on prend les choses isolément que ça fait du sens...»

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André Sauvé, jusqu'à samedi au Monument-National. Supplémentaires: du 12 au 15 novembre au Monument-National et du 2 au 4 janvier 2009, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.