Les mimes sont en ville ! Jusqu'au 11 octobre, huit spectacles (québécois et français) ainsi que des causeries et projections «squattent « les murs de l'Espace Libre. Les Rencontres internationales du mime « reflètent bien le rayonnement de l'art du corps «, de l'avis de Jean Asselin, le directeur de l'école de mime Omnibus, qui chapeaute l'événement. Marcel Marceau peut reposer en paix: l'art du mime innove et se transforme avec son temps.

En discutant avec Jean Asselin, un homme doté d'une remarquable faculté d'émerveillement, on apprend un tas de choses sur l'état du mime en 2008. Aux yeux du directeur d'Omnibus formé chez Étienne Decroux, le mime, une forme avant-gardiste, est ce qui surgit naturellement lorsque la parole ne suffit plus. «C'est un symptôme éloquent de voir le TNM produire un cirque, un témoignage qui dit qu'on veut passer à l'acte.»

 

Les Rencontres internationales du mime reflètent selon lui l'évolution d'un art «longtemps associé à Marcel Marceau ou à des pantomimes un peu mièvres.» «La sensibilité a évolué. Quand on transgresse la parole en prenant le silence, ce n'est pas une dénégation du littéraire. C'est une transgression de la parole, pas dans le sens du mépris, mais dans l'appropriation en termes de sens.»

Échelonné sur une vingtaine de jours, ce «festival» du mime sera l'occasion de découvrir des artistes qui «expriment ce que les morts n'expriment pas». On y reverra L'amour est un opéra muet (d'Omnibus et du quintette Pentaèdre), très jolie version muette (mais musicale) de l'opéra Cosi Fan Tutte. La jeune artiste québécoise Sylvie Chartrand dévoile son installation performative De la terre au visage, sorte de boîte organique et technologique qui abrite un corps qui mime l'angoisse. «Les gens tournent autour de l'objet, comme dans un musée. Ils vivent une expérience sensorielle», prétend Jean Asselin.

L'événement révélera aussi le travail de la compagnie française le Théâtre du mouvement, qui présente un spectacle au titre intrigant: Faut-il croire les mimes sur parole? Et dans le «théâtre de poche» d'Omnibus, l'artiste Roxane Chamberland s'amuse avec le kitsch et les Barbies avec son Roxy Horreur Show.

Les activités des Rencontres débutent chaque soir à 17h45 pour se terminer en fin de soirée. «On fait tous du mime sans le savoir», affirme Jean Asselin, qui croit que dans le théâtre, «la littérature est accidentelle et le corps est substantiel». Celui qui n'a pourtant jamais boudé la parole - «ce n'est pas une dénégation du littéraire» - estime que le mime est en phase avec notre époque. «Les jeunes sont moins littéraires. Leurs méthodes d'écriture sont différentes. Par exemple, il est moins grave aujourd'hui de faire des fautes ou d'écrire en inversant des consonnes. Le monde vit une révolution.»

Asselin qui accueille chaque soir les festivaliers en martelant les positions du gouvernement Harper - «des philistins» - se distancie de la posture de ses pairs sur les subventions en culture. «Je suis mal à l'aise avec la posture démagogique des artistes qui argumentent sur le même terrain financier que Harper. Le premier ministre, de toute façon, ne distingue pas l'art et l'industrie culturelle. Peut-être qu'une jachère culturelle serait souhaitable. Que dans un tel contexte, les gens se questionneraient sur leur identité. Après tout, le dernier gouvernement qui a agi comme le font les conservateurs a précédé le deuxième référendum.»

En attendant, le mime est bien portant et les corps exultent et chantent à l'Espace Libre.

Les quatrièmes Rencontres internationales du mime de Montréal, jusqu'au 11 octobre à l'Espace Libre.