Créée en 2007, L'effet de Serge ne devait être présentée qu'une petite semaine dans une modeste salle parisienne. Depuis, la pièce imaginée par le Français Philippe Quesne ne fait que tourner. En Europe, mais aussi aux États-Unis, en Corée du Sud, au Brésil, en Argentine... Et maintenant au Québec.

L'effet de Serge est un bien drôle d'objet théâtral. Sa particularité? La distribution change d'une série de représentations à une autre.

«Dans chaque ville, on choisit quatre ou cinq personnes, des acteurs amateurs, qui complètent la distribution» indique son auteur Philippe Quesne, rejoint à Paris.

L'histoire est celle d'un dénommé Serge, qui organise chez lui, dans son appartement, des spectacles d'une minute pour ses amis, tous les dimanches à 18h. Les acteurs amateurs, recrutés dans chacune des villes-hôtesses, interprètent, avec des acteurs professionnels, le rôle des amis invités. «On les rencontre la veille, explique Philippe Quesne, qui s'occupe aussi de la régie. L'après-midi de la représentation, on fait une répétition pour qu'ils intègrent la partition. Parce qu'il y a du texte, mais aussi des consignes précises et des déplacements. Forcément, une partie des dialogues peut être réinventée chaque soir. Ce qui donne une fragilité à la pièce.»

Philippe Quesne n'a pas dirigé le spectacle en partant d'un texte écrit. Il a plutôt construit le texte en même temps que le spectacle. «Je pars d'un titre, et puis je m'immerge, affirme-t-il. Il y a beaucoup d'essais de situations, de structure, de lumière et de musique. Peu à peu, au fil des répétitions, on construit une fable.»

Alors ce titre, d'où vient-il? «Je ne me souviens plus, répond Quesne en riant. Mais je peux vous dire que le personnage de Serge est passionné d'effets spéciaux, de gadgets, comme des voitures téléguidées, etc. Il s'intéresse à des choses absurdes et inutiles. Ce qui m'intéressait beaucoup.»

Même s'il y a une part importante d'improvisation pour la création de ce spectacle, le texte a été écrit spécifiquement pour le comédien Gaëtan Vourc'h, «ce grand bonhomme qui a des airs d'adolescent, dont on ne situe pas très bien la psychologie» et qui interprète le rôle de Serge.

Mais qui est Serge? Est-ce une projection de son auteur? Une métaphore du comédien qui tente de percer, de se faire un nom?

«Serge est quelqu'un d'assez libre, détaille l'auteur. Qui crée sans faire de demandes de financement, sans répondre à des critères de production. Qui se donne le droit de rêver, d'inventer ses petits bouts de poésie. On ne le situe pas dans le temps. Ça peut faire 30 ans qu'il fait des spectacles d'une minute chez lui. Il y a un côté très enfantin à Serge.»

L'effet de Serge, qui a reçu une mention spéciale la semaine dernière lors de la remise des prix OBIE, remis annuellement par l'hebdo culturel new-yorkais The Village Voice, a déjà été présentée une centaine de fois, avec environ 40 distributions différentes. Pourtant, chaque soir a son lot de nouveauté, surtout pour Serge.

«Ce n'est pas un rôle facile pour Gaëtan, mais c'est passionnant, parce qu'il est toujours entouré de nouvelles personnes. Quand il ouvre la porte, il connaît à peine les gens qui entrent sur scène. Cette part d'étonnement est très créatrice. Et puis le public a parfois du mal à distinguer les vrais acteurs des faux...»

L'effet de Serge, de la compagnie Vivarium. Au Conservatoire d'art dramatique de Montréal du 3 au 6 juin. Infos: www.fta.qc.ca