Danseur pour la compagnie montréalaise Cas Public depuis cinq ans, Cai Glover est la principale source d'inspiration de 9, plus récente création de la chorégraphe Hélène Blackburn qui sera présentée à la Cinquième Salle à partir de demain soir. Retour sur le parcours de ce jeune prodige qui a perdu l'ouïe à l'âge de 8 ans et trouvé sa voie à travers la danse.

Tuque sur la tête, manteau d'hiver sur le dos, Cai Glover ressemble à bien des danseurs qui sont débarqués dans les locaux de La Presse. Devant la lentille du photographe, l'interprète de 31 ans exécute en silence quelques pas tirés de 9, un spectacle destiné aux 6 à 99 ans proposant une réflexion sur l'inclusion. Seule trace de sa surdité survenue à l'âge de 8 ans à cause d'une méningite, son implant cochléaire qui transforme les sons acoustiques en signaux électriques transmis vers le nerf auditif.

À 10 ans, Cai Glover commence à suivre des cours de jazz avant de s'orienter, en cachette, vers le ballet classique, un style mal vu pour un jeune garçon dans la petite ville de Colombie-Britannique dont il est originaire. Alors qu'il tente à tout prix de faire oublier son handicap et de vivre comme une personne entendante, Cai Glover se rend rapidement compte que la scène lui permet de recevoir toute l'attention à laquelle il aspire.

« À 16 ans, j'ai interprété un solo lyrique de trois minutes sur Man In The Mirror de Michael Jackson, trois minutes pendant lesquelles j'ai réalisé que tout le monde me regardait. À l'époque, je me sentais parfois invisible. J'étais toujours mis à l'écart, car je ne pouvais pas suivre de conversations, surtout en groupe. Mais la danse m'a apporté la joie d'avoir la sensation d'être entendu par tous », confie Cai Glover dont l'implant lui permet désormais de mener toute une entrevue sans que l'on s'aperçoive de sa surdité.

UN DANSEUR PAS COMME LES AUTRES

Cai Glover est engagé au Atlanta Ballet, mais finit par retourner à Vancouver. Il décide finalement en 2012 de venir tenter sa chance à Montréal où il enchaîne les auditions et est rapidement remarqué par Hélène Blackburn, directrice artistique de la compagnie Cas Public.

« Ses pliés et ses tendus étaient d'une telle perfection ! C'est un danseur hors norme », s'exclame la chorégraphe en se remémorant sa toute première rencontre avec Cai Glover. « C'était en janvier ; alors il portait une tuque. Il l'a enlevée à la barre et c'est seulement là que j'ai remarqué son appareil. La compagnie était déjà familière avec des danseurs qui avaient ce genre de problème pour communiquer dans de grands studios. Je n'ai pas hésité un instant à l'engager. »

Déterminé à faire oublier sa surdité, le danseur est réfractaire à tout traitement de faveur par rapport aux autres danseurs et refuse qu'on lui rapporte les consignes qu'il ne peut entendre en répétition de groupe.

« Au départ, on pouvait même difficilement aborder le sujet avec lui. Il y a eu de petites tensions ; alors je lui ai demandé ce que "normal" signifiait pour lui. Ça ne veut absolument rien dire, on est tous différents ! », se rappelle avoir expliqué Hélène Blackburn au jeune danseur.

La chorégraphe est persuadée que le handicap de Cai est également sa plus grande force lorsqu'il danse. Elle est d'ailleurs capable d'identifier en une fraction de seconde si l'implant du danseur fonctionne ou pas. 

« Il danse encore mieux sans son appareil ! Et ce qui est pour lui un handicap si présent passe complètement inaperçu aux yeux du public. »

- Hélène Blackburn, chorégraphe

Depuis bientôt deux ans, Cai Glover embrasse entièrement sa surdité et accepte d'en parler plus ouvertement. Il a même accepté de sauter tête première dans 9, la plus récente création d'Hélène Blackburn inspirée de sa capacité à interpréter la musique différemment pour danser.

« Hélène aimait le fait que Beethoven ait composé la Neuvième Symphonie après avoir lui-même perdu l'audition. Elle voulait voir si on pouvait arrimer ça à mon expérience, à la manière dont j'ai dû apprivoiser ma déficience auditive pour devenir un artiste plus intéressant », précise Cai Glover qui ne portera pas sa prothèse auditive pour l'occasion.

« L'idée de faire ce spectacle pour un jeune public m'a également beaucoup séduit. Il est important pour moi de passer le message aux enfants qu'ils doivent assumer leur différence, que cette dernière n'est pas un frein pour faire ce qu'ils veulent vraiment dans la vie », lance le jeune homme qui présentera son tout premier solo en tant que chorégraphe à Tangente l'an prochain.

9, du 9 au 11 mars à la Cinquième Salle. Une collaboration de Cas Public et de la maison de création belge Kopergietery. Le spectacle sera également présenté à l'Opéra de Paris en avril 2018.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Le danseur Cai Glover a perdu l'ouïe à l'âge de 8 ans.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Un implant cochléaire transforme les sons acoustiques en signaux électriques transmis vers le nerf auditif de Cai Glover.