Finesse, élégance, vivacité, immatérialité : l'étoile Yvette Chauviré, décédée dans la nuit de mardi à mercredi à l'âge de 99 ans, a incarné la quintessence du ballet classique française au XXe siècle.

Le directeur de l'Opéra de Paris Stéphane Lissner, la directrice de la danse Aurélie Dupont et l'ensemble du personnel de l'Opéra national de Paris ont dit mercredi leur «tristesse» d'apprendre la disparition de l'immense danseuse.

Elle avait fait ses adieux en 1972 sur le plateau du Palais Garnier de ses débuts, avec Giselle, un rôle fétiche auquel son nom reste associé.

Yvette Chauviré aura servi les chorégraphes de son temps, en premier lieu son maître le chorégraphe d'origine ukrainienne Serge Lifar, qui l'avait nommée étoile le 31 décembre 1941.

Cette «prima ballerina assoluta» du XXe siècle a triomphé dans Giselle, chef-d'oeuvre du ballet romantique qui a retrouvé les grâces du public grâce à elle, un siècle après sa création par la Grisi.

Yvette Chauviré, née le 22 avril 1917 à Paris, restera avant tout, dans l'histoire du Ballet de l'Opéra de Paris, comme l'inspiratrice et l'interprète phare de Serge Lifar, qui a régné sur la vénérable compagnie pendant presque trois décennies, jusqu'à la fin des années 1950.

C'est d'ailleurs ce dernier qui lui a réglé la terrifiante variation de 20 minutes du ballet Istar sur la musique de Vincent d'Indy, pièce qui a valu à Yvette Chauviré son titre d'étoile.

Lifar l'a associée comme interprète à nombre de ses nouveaux ballets, de David triomphant en 1937 à La Péri en 1955, en passant par Le Chevalier et la Damoiselle ou Les animaux modèles.

Intelligence et pureté

Dans une de ces pièces, Les Mirages (1944), Yvette Chauviré dansait le personnage de l'Ombre, un des grands rôles du répertoire du XXe siècle, auquel elle a initié nombre de jeunes ou aspirantes étoiles.

Sa danse à la fois ample et lumineuse convenait aux mondes symboliques dans lesquels évoluent la wili insaisissable de Giselle, la mystérieuse déesse babylonienne d'Istar et l'Ombre des Mirages, en contraste avec la réalité quotidienne.

L'intelligence stylistique, la pureté de la technique, Yvette Chauviré les avait acquises auprès de Carlotta Zambelli, son professeur à l'École de danse de l'Opéra, puis avec deux pédagogues russes, Boris Kniassef et Victor Gsovski. Ce dernier lui a réglé en 1949 un morceau de bravoure, le «Grand pas classique» sur la musique d'Auber.

Engagée précocement dans le corps de ballet de l'Opéra, elle l'a quitté en 1946 dans le sillage de Lifar - parti à Monte-Carlo -, puis réintégré de 1947 à 1949, avant d'en repartir pour des tournées dans le monde.

Dans les années 1960, toujours «étoile invitée» à l'Opéra de Paris, elle s'est produite avec les plus fameuses compagnies du monde, de Russie aux États-Unis en passant par Londres, Milan, Copenhague, avec des partenaires aussi brillants que Maris Liepa, Erik Bruhn et Rudolf Noureev.

Jusqu'à un âge avancé, à l'Opéra et partout où l'on veut retrouver la vérité de la danse française, Yvette Chauviré a transmis son savoir aux danseurs, comme Sylvie Guillem et Marie-Claude Pietragalla.