Pour ses 30 ans de carrière et les 20 ans de sa compagnie, José Navas s'offre le cadeau (et le défi) d'interpréter quatre solos dans un même spectacle. Avec Rites, le chorégraphe et danseur illustre son parcours sur scène, tout en souhaitant inspirer de jeunes solistes à prendre le même chemin.

Le studio de José Navas est un bel écrin lumineux au coeur de la ville où le danseur répète dans la solitude de la création. Pour le trouver entre les immeubles de la rue Sainte-Catherine, on ne doit pas être distrait. Le journaliste a fait au moins trois fois le tour du pâté de maisons avant de repérer l'adresse du lieu où Navas s'est installé avec sa compagnie Flak, dont il fête le 20e anniversaire. 

À l'intérieur, en costume de scène, Navas exécute pour le photographe de La Presse des extraits du Sacre du printemps d'Igor Stravinski, l'un des solos qu'il présente à compter de mercredi dans le cadre de Danse Danse. En plus du Sacre, l'interprète fera trois autres courts solos, sur des musiques de Schubert, Dvorak et Nina Simone. 

«Danse minimaliste chargée comme une bombe qui vibre des forces de la nature [...] comme si Navas dansait à en mourir», a-t-on écrit de son Sacre créé à Bruges en 2013. «Je trouve intéressant de me concentrer sur la notion de sacrifice du Sacre du printemps, explique le chorégraphe, d'autant qu'il m'arrive parfois de dépasser mes limites au nom de l'art.»

Au contraire d'une Louise Lecavalier qui, dans ses récentes pièces, montre ses muscles, sa force, sa résistance, José Navas, à 50 ans, expose dans Rites le vieillissement et la fragilité du corps. Ses limites sont semblables à celles de bien des gens qui franchissent le cap des 50 ans. Le fait que le corps ne répond plus comme avant, qu'il soit moins flexible, qu'il se dégénère. «Dans ma tête, j'ai toujours 28 ans, mais mon corps peut avoir 60 ans certains jours», dit l'artiste qui s'estime marié avec la danse. Et qui ne se voit pas l'abandonner encore. 

Vivre pour la scène

José Navas naît au Venezuela, pays qu'il quitte très jeune pour aller poursuivre sa carrière de danseur à New York. Il rencontre dans la Grosse Pomme le chorégraphe ontarien William Douglas. Les deux tombent amoureux. 

«Bill rêvait de devenir le prochain Balanchine, et moi, je rêvais d'être le prochain Nijinski. La danse pour nous était la chose la plus importante au monde.» 

Malheureusement, l'épidémie de sida va briser leur rêve. Lorsque William Douglas tombe malade, il décide de s'installer à Montréal, plus près de sa famille et ses amis. José Navas le suit et va danser entre autres pour Marie Chouinard. Un an avant de s'éteindre, à 41 ans, Douglas signe pour son compagnon le solo While Waiting, pour lequel Navas reçoit un prestigieux Bessie Award. 

Avec Rites, Navas fête le 20e anniversaire de sa compagnie, mais il souligne un peu la disparition de son amoureux, qui s'est éteint en 1996. «Malheureusement, William est parti sans avoir réalisé tous ses rêves. C'est ce que je trouve le plus triste, encore aujourd'hui. Je poursuis donc un peu son rêve en continuant à danser. À chaque représentation, je dis le nom de Bill à voix haute avant d'entrer en scène.»

Depuis 2008, José Navas est souvent invité par d'autres compagnies à diriger de grands ensembles. Pour Flak, il se concentre désormais sur les solos, à la fois pour des raisons pratiques et personnelles. «J'aime beaucoup la liberté de pouvoir répéter quand je veux. Je peux me rendre au studio à minuit, deux heures ou six heures du matin. Ce qui est impossible avec un groupe de danseurs.» 

Or, il y a aussi des raisons économiques. 

«Depuis 2008, la compagnie ne fait plus de déficits ; on fait même des surplus. Je n'aurais pas pu me produire trois semaines avec Danse Danse en présentant une pièce pour un groupe d'interprètes.» 

La forme solo est une esthétique qui sied bien à Navas. «Je n'ai pas vraiment un style qui révolutionne la danse, dit-il. Mes solos sont plutôt formels, voire conventionnels. À la manière d'Isadora Duncan. Je ne pense pas avoir de style propre. J'ai emprunté à plusieurs chorégraphes que j'admire (Cunningham, Taylor, Chouinard...) pour en faire un mélange, tout en y ajoutant mon accent. J'ai un accent latino-américain quand je parle français. Et j'ai également un accent quand je danse. Mon style, c'est mon accent.» 

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Du 11 au 28 novembre, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

José Navas en 5 dates

1995 - Navas interprète While Waiting, un solo de son conjoint William Douglas. Lance sa compagnie Flak.

2000 - Le danseur fait partie des «100 personnalités qui font bouger» le Québec, selon le magazine français L'Express

2007 - Il entre au répertoire des Grands Ballets canadiens en créant Limpido amor, un solo sur pointes pour Anik Bissonnette.

2010 - Invité comme chorégraphe en résidence au Ballet BC pendant trois ans. Signe une nouvelle version de Giselle.

2013 - Création de Watershed, une pièce avec 32 danseurs, pour le Ballet national du Canada.