Alors qu'elle tourne partout dans le monde, la compagnie Le Patin libre a annulé les quatre représentations de son spectacle Vertical Influences prévues cet automne à Montréal. « Produire nos événements culturels sans support est devenu tout simplement trop difficile », a expliqué l'équipe de création dans une infolettre diffusée hier.

La compagnie de danse formée d'ex-patineurs artistiques professionnels déplore le manque d'intérêt des diffuseurs culturels et des directions de festivals montréalais à son endroit, malgré le succès critique de son spectacle présenté il y a un an à Londres, puis en Écosse, au festival d'Édimbourg. Une présence remarquée entre autres par The Guardian et The London Times.

Vertical Influences, qui a affiché complet lors de sa présentation le printemps dernier à l'aréna Saint-Louis du Plateau Mont-Royal, sera présenté dans plusieurs villes européennes à compter du 15 novembre. D'abord au Somerset House de Londres, puis dans des villes en France, en Norvège et en Allemagne. Mais à Montréal, toutes les dates sont annulées.

« C'est normal de s'autoproduire quand on n'est pas connu, mais ce n'est plus le cas, explique le directeur artistique de la compagnie, Alexandre Hamel. Quand on présente un spectacle à l'étranger, les diffuseurs nous appuient sur le plan logistique, mais aussi pour la promotion ; ce sont des partenariats qui fonctionnent très bien. Mais à Montréal, il n'y a pas eu ce déblocage-là. »

« À Montréal, on reste obstinément seuls, sans offre de diffusion. On loue une patinoire et on doit s'occuper de tout. C'est moi qui pose mes affiches dans la ville ! »

« Notre succès et notre émergence à Édimbourg ou à Londres, on n'est pas capables de les vivre à Montréal », dit-il avec regret.

Cette situation rappelle le cri du coeur du chorégraphe Dave Saint-Pierre, qui avait décidé de ne pas présenter sa pièce Foudres au Québec en février 2014. « Pas d'argent, pas de show, avait-il écrit. Jouer au rabais, c'est terminé ! À un moment donné, en tant qu'artiste, tu te tannes de toujours être dans le rouge et de sortir de l'argent de tes poches. »

Art nouveau

Le Patin libre, il est vrai, est dans une catégorie à part. La troupe propose des performances à la frontière du théâtre, de la danse et du sport de glace. « C'est vrai qu'on est dans une catégorie à part, acquiesce Alexandre Hamel. On propose un art nouveau - de la danse sur patins -, mais ça ne semble pas être un défi particulier pour nos diffuseurs à l'international. »

La troupe, qui a reçu une aide financière du Conseil des arts du Canada (CAC), du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et du Conseil des arts de Montréal (CAM) pour la création de Vertical Influences, regrette maintenant de ne pouvoir diffuser son oeuvre.

« Le public nous finance par ses taxes, et on se sent redevable vis-à-vis de lui ; on veut lui présenter notre travail, insiste Alexandre Hamel. C'est pour ça qu'on fait de l'autodiffusion depuis quelques années. Mais là, avec l'explosion qu'on vit à l'international, on n'a plus le temps ni l'énergie de faire ça tout seul. »

« Je peux comprendre que des directions artistiques n'aiment pas ce qu'on fait, mais que toutes les directions artistiques de toute une ville l'ignorent alors que c'est reconnu ailleurs, c'est difficile à comprendre. La conséquence est qu'on n'arrive pas à montrer notre travail », déplore-t-il également.

Alexandre Hamel croit que le fait d'avoir travaillé seul, sans coproducteur, leur a finalement nui.

Nouvelle tentative pour 2016

Le printemps prochain, Le Patin libre reprendra la route à Martha's Vineyard (aux États-Unis), au Festival de danse de Guelph (près de Toronto), à Dublin, à Macao, au Théâtre de la Ville de Paris, aux Nuits de Fourvières de Lyon, au Festival de danse de Montpellier et au Festival grec de Barcelone.

« On espère encore jouer à Montréal. On discute avec les arrondissements du Plateau-Mont-Royal et de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve pour y jouer en mars prochain. Tout n'est pas perdu, mais on peine à percer les directions des maisons de la culture et des festivals. C'est dommage, parce que partout où on va, on sent l'intérêt des gens pour ce qu'on fait. »