La compagnie de Sylvain Émard souffle cette année ses 25 bougies. Pour l'occasion, le public de l'Agora de la danse pourra applaudir dès ce soir Ce n'est pas la fin du monde, la 30e et plus récente création de Sylvain Émard qui lance un appel à l'urgence de vivre.

Danser pour se sentir bien vivant. C'est l'exercice auquel les sept interprètes de Ce n'est pas la fin du monde se sont prêtés sous la direction de Sylvain Émard. Créée en 2013 à Bordeaux et à Montréal, cette pièce fait écho à la même notion qui habite les précédentes créations du chorégraphe: le sentiment d'urgence.

«Lorsque j'avais fait Fragments, volume 1, tous les tableaux étaient inspirés de cette thématique. Chacun des interprètes y avait un solo que j'avais créé après leur avoir demandé tour à tour ce qui était pour eux le plus urgent dans leur vie à ce moment-là. J'ai voulu aller un peu plus loin, cette fois, avec une pièce pour sept hommes», explique Sylvain Émard.

Il n'est pas anodin que le chorégraphe ait choisi une distribution exclusivement masculine. «Il y a une plus grande part d'identification et de projection dans cette oeuvre, un peu comme si je dansais par procuration», lance-t-il.

Célébrant l'urgence de vivre, Ce n'est pas la fin du monde propose de résister à la fatalité. Une pièce résolument optimiste qui invite à ne jamais baisser les bras.

«C'est important pour moi que la danse soit la vie. Je ne suis ni pessimiste ni jovialiste. J'ai surtout de l'espoir, tout en restant lucide, dit-il. Il faut faire face à la situation et se dire qu'on peut changer les choses. De là vient le titre qui laisse une certaine ouverture. L'art doit servir à aider les gens à poser un regard différent sur ce qui les entoure, sur le monde dans lequel on vit. J'espère participer à cette réflexion par la danse», ajoute Sylvain Émard.

Une philosophie de vie que le chorégraphe a tenté de mettre en mouvement grâce une gestuelle dépouillée pour aller plus vite à l'essentiel, créant ainsi une danse sous tension remplie de suspense.

Au-dessus de leurs têtes, les sept interprètes auront une structure suspendue, pensée par le scénographe Richard Lacroix, tel un nuage, fait de boîtes de carton, aussi rassurant que menaçant.

«Les nuages peuvent nous garder à l'abri du soleil trop ardent, mais aussi être noirs et gorgés de pluie», rappelle Sylvain Émard qui a fait appel à Martin Tétreault pour composer la musique.

25 ans, 30 créations

Depuis maintenant 25 ans, Sylvain Émard crée chaque pièce comme s'il s'agissait de la dernière.

«Chaque nouvelle pièce doit être la plus significative pour moi, refléter où je suis et qui je suis en ce moment, comme s'il n'allait plus y en avoir d'autre. Et après 25 ans, c'est encore plus vrai: tu ne sais jamais!», lance-t-il en riant.

Une chose est certaine: Sylvain Émard est toujours aussi bouillonnant de créativité et planche déjà sur de nouveaux projets.

«On travaille sur la possibilité d'un nouveau Grand continental, peut-être plus contemporain d'un point de vue musical. La danse en ligne est presque obligatoire avec de tels groupes, mais ce serait moins ancré tout de même dans la tradition. Je cherche actuellement des partenaires, car c'est une grosse logistique», dit Sylvain Émard qui s'apprête à entrer en résidence à Philadelphie pour un projet qui ferait appel cette fois autant à des danseurs professionnels qu'à des néophytes.

Du 28 au 31 janvier à l'Agora de la danse

Trois pièces marquantes de la compagnie

1. Terrains vagues (1993)

«J'ai véritablement commencé à trouver mon langage chorégraphique avec cette pièce. Il y a eu un tournant au niveau de ma gestuelle, de la scénographie aussi. Je me souviens de m'être lancé dans une aventure particulière; trois tonnes de terre en studio pendant trois mois. Au début, je regardais ça en me disant: mais dans quoi je m'embarque! Je me suis rendu compte que j'avais fait le bon choix et j'ai compris que je devais écouter mes coups de coeur sans trop raisonner, même si la situation n'est pas très confortable.»

2. Temps de chien (2005)

«C'est une des pièces que je reprendrais, car elle est toujours actuelle.»

3. Le grand continental (2009)

«Parlant d'écouter ses envies irrépressibles, c'est un autre très bon exemple! Ça faisait des années que je me disais que je devais aller au fond de mon obsession pour la danse en ligne et le faire avec des danseurs non professionnels. C'était très égoïste comme démarche de ma part. Mais ça va faire six ans et j'ai toujours autant de bonheur à le faire!»