Quelques jours avant la grande première au Théâtre Maisonneuve de La nuit transfigurée, la nouvelle création de Stijn Celis pour les Grands Ballets canadiens, La Presse a pu, le temps d'une séance photo au Théâtre St-James, avoir un aperçu de la première partie de ce programme double inspirée du mythe d'Orphée et Eurydice.

Tout droit sorti des Enfers, le cerbère, chien à trois têtes, sera interprété sur scène par Stephen Satterfield, Chen Sheng et Andrew Wright, trois danseurs des Grands Ballets. Ce personnage de la mythologie joue un rôle-clé dans Le regard d'Orphée, histoire extraite des Métamorphoses d'Ovide dont le chorégraphe belge Stijn Celis s'est inspiré pour créer la première partie de La nuit transfigurée.

Orphée, musicien hors pair, épouse la nymphe Eurydice. Le jour des noces, celle-ci périt brutalement. Inconsolable, Orphée part en quête du monde des ombres afin de convaincre Hadès, maître des Enfers, de lui rendre sa bien-aimée. Pour parvenir jusqu'à lui, il devra d'abord endormir le Cerbère avec sa musique enchanteresse.

«Quand Gradimir Pankov [directeur artistique des GBCM] m'a demandé d'articuler un premier acte en partant des Métamorphoses d'Ovide, j'ai dû relire l'ensemble de l'oeuvre pour faire mon choix. J'ai finalement choisi le mythe d'Orphée et Eurydice pour en faire une pièce narrative dans laquelle j'utilise tous les danseurs de la compagnie. Je me suis senti personnellement interpellé par cette histoire d'Ovide qui parle de manière allégorique du sacrifice de l'art et de ce qu'on traverse pour trouver l'inspiration», explique Stijn Celis, qui a choisi de faire évoluer ses danseurs dans une scénographie minimaliste sur les mélodies de Zemlinsky, Webern, Mahler et Strauss interprétées en direct par l'Orchestre des Grands ballets.

Dans la seconde partie de ce programme, le chorégraphe a fait appel à un décor beaucoup plus pictural pour illustrer La nuit transfigurée, du nom de l'oeuvre musicale d'Arnold Schoenberg écrite en 1899 et inspirée d'un poème de Richard Dehmel.

On y suit un homme et une femme marchant dans une forêt sombre. La femme révèle à son nouvel amant qu'elle porte l'enfant d'un autre; chaque mouvement qui suit contribue à la transfiguration et à la fusion rayonnante de ces deux êtres distincts. La pièce, comme la musique, est divisée en cinq parties, reflétant les cinq strophes du poème de Dehmel et les émotions profondes exprimées dans chacune d'elles.

«Je connaissais bien La nuit transfigurée pour avoir déjà créé une chorégraphie pour le Stadttheater de Bern à la fin des années 90. Je m'en suis un peu inspiré, mais 18 ans plus tard, je me suis rendu complètement autre part. J'ai pris le poème comme référence de base», précise le chorégraphe.

Stijn Celis offrira ainsi une soirée en deux temps dont la passion et le pardon forment le trait d'union entre l'amour mythique et les défis quotidiens dont il est question dans ces deux créations où métamorphose, nuit et relation homme/femme sont des sujets récurrents.

«J'ai créé des mouvements très ronds et fluides sur la musique viscérale de Schoenberg, à l'opposé de ce que j'ai pu faire sur la musique de Stravinsky dans Noces», raconte le chorégraphe.

«Alors que pour le Regard d'Orphée, j'ai préféré créer mon propre langage chorégraphique pour ensuite le transposer sur les danseurs, ç'a été beaucoup plus un échange entre les danseurs et moi pour la seconde pièce.

«Je proposais quelque chose, et ils me faisaient une contre-proposition, jusqu'à ce qu'on trouve la meilleure option», conclut Stijn Celis, qui présentera bientôt Josephs Legende de Richard Strauss au Semperoper Ballett en Allemagne.

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La nuit transfigurée, du 15 au 24 mai au Théâtre Maisonneuve.