Margie Gillis nous donne rendez-vous dans un lumineux studio du Conseil des arts. Sur le sol, elle vient de déposer les valises de Voyages, une des cinq créations marquantes qu'elle présente à l'Agora de la danse à travers Florilège, un hommage à 40 ans de poèmes chorégraphiques.

«Personne ne pensait qu'il était possible d'avoir une carrière de soliste en danse moderne sur une aussi longue période. Déjà, après 10 ans, on me disait qu'il ne me restait que quelques années. Mais ça fait 40 ans!», s'exclame la danseuse et chorégraphe.

D'aussi loin qu'elle se souvienne, Margie Gillis dansait. Et quand elle ferme les yeux, c'est dans un champ, au milieu des fleurs, qu'elle se balance au gré du vent caressant sa peau.

«J'avais les pieds tournés vers l'intérieur et j'étais très gênée. J'ai fait de la danse classique à partir de l'âge de 4 ans, mais ce n'était pas pour moi. Ce n'était pas une bonne idée de contrôler mon énergie au lieu de la laisser sortir. Puis, à partir de l'âge de 13 ans, je suis devenue très sauvage!», lance Margie Gillis avec le calme olympien qui la caractérise.

Dépression

Alors qu'elle fait une dépression à l'âge de 8 ans et perd tous ses cheveux à la suite de crises nerveuses, la chorégraphe trouve dans la danse une forme de méditation, voire une religion.

«Sans la danse, je ne peux pas vider mes toxines ni avoir la tête tranquille et les idées en place. Mon enfance a été une période triste de ma vie, mais, en même temps, j'ai eu la chance de perdre ma personnalité et de la voir se reconstruire entièrement. Ça m'a offert une fenêtre plus intime sur la vulnérabilité de l'être humain, mais aussi sur sa force», explique Margie Gillis, qui se sert de la danse pour mieux comprendre la vie.

«Je suis dyslexique et quand je suis fatiguée, les mots ne s'alignent pas dans le bon ordre. Mais je ne le suis plus quand je danse!»

Dès ce soir, Margie Gillis replongera le public de l'Agora dans cinq des créations qui ont marqué sa carrière de soliste: Waltzing Matilda, Little Animal, Broken English, Bloom et Voyages.

«C'est un cadeau de pouvoir présenter une pièce comme Waltzing Matilda que j'ai créée quand j'avais 20 ans! Ça me touche beaucoup. J'étais plus jeune, mon style était plus cru, plus dur et plus fou. Avec l'âge, je me suis raffinée et maintenant mon corps est devenu plus intéressant par l'énergie qui est derrière mes mouvements. C'est très excitant», lance-t-elle.

Créer son propre style

Quand Margis Gillis présente pour la première fois Waltzing Matilda, en 1970, elle est baptisée en Europe «la petite cousine canadienne de Pina Bausch».

«À cette époque, ce n'était pas très répandu en danse de pleurer sur scène et d'entrer autant dans la peau d'un personnage», explique la chorégraphe.

Trop petite, trop grosse, trop gauche, Margie Gillis crée en solo son propre style, laissant de côté la technique pour suivre sa sensibilité. C'est notamment à travers la poésie que la danseuse a trouvé sa voie.

«Un de mes ex-petits amis m'avait écrit un poème dans lequel il confiait toute la peine que j'avais pu lui faire. Il était vraiment fâché contre moi! Je l'ai lu et j'ai couru à mon studio tellement je trouvais ça génial et tellement il m'avait inspirée», s'amuse la chorégraphe, qui a fait appel à Pierre Lavoie, l'éclairagiste avec qui elle travaille depuis ses débuts, pour Florilège.

«Les cinq pièces que je vais présenter ont brisé les règles et contribué à changer la manière de voir la danse. Elles m'ont toutes changée pour le meilleur et m'ont permis de faire face à ma douleur et de la traverser», confie Margie Gillis, qui explore depuis près de 20 ans l'utilisation de la danse dans la résolution de conflits.

Matilda avant tout

Laquelle de ces créations reste la plus significative pour Margie Gillis? «Je pense que c'est Matilda. Je ne peux l'interpréter sans pleurer. Je l'aime et je la comprends. Même si Voyages m'a fait trimbaler mes bagages dans le monde entier! Mais personne n'a jamais porté mes valises. Je l'ai fait toute seule», conclut-elle.

Après la présentation de Cavatines et contrepoints le 14 mars prochain à L'Anglicane, dans le Vieux-Lévis, aux côtés de Tedd Robinson et Jeanie Chung, Margie Gillis compte enfin faire une pause et réfléchir à une proposition d'enseignement qui lui a été faite par l'Université Harvard.

Ce soir, demain, vendredi et samedi à l'Agora de la danse.