La chorégraphe berlinoise Helena Waldmann a pris soin, pendant huit ans, de son père qui s'enfonçait dans la démence. Une année après la mort de son géniteur, elle s'est inspirée de son expérience pour créer Get a Revolver, qui explore la maladie mentale dans sa perspective tragique, mais également libératrice. Un solo interprété par Brit Rodemund, sacrée danseuse de l'année 2011 par le magazine allemand Tanz pour sa prestation.

Pourquoi avoir choisi la démence comme thématique de votre nouvelle création?

À travers mon père, j'ai eu l'occasion d'observer directement cette maladie. J'ai aussi fait la connaissance d'autres patients et j'ai eu envie de parler de leurs problèmes ouvertement. On a tous un peu peur de cette maladie et on ne veut pas en parler, même quand un membre de notre famille en est atteint. Il faut changer cette attitude.

À quoi le titre Get a Revolver fait-il allusion?

Quelques mois avant sa mort, mon père a demandé à ma mère de lui trouver un revolver. Elle lui a alors demandé: «Mais qui va me tuer, moi?» Et ils ont commencé à blaguer. Le lendemain, au téléphone, ma mère m'a confié que c'était sans doute l'une des conversations les plus longues et les plus amusantes qu'elle avait eues avec lui depuis un an.

Quel regard portez-vous maintenant sur cette maladie?

La démence est bien sûr synonyme de perte de repères et de détresse. Mais il y a aussi des aspects plus lumineux à cette maladie: on développe une nouvelle forme de communication et on expérimente une certaine libération à l'égard des règles et des structures de la vie en société. Les personnes atteintes de démence ne sont plus obligées d'obéir; elles peuvent dire ce qu'elles pensent en toute liberté! On essaie toujours de ramener les personnes atteintes de démence à notre manière de vivre, mais je voulais plutôt plonger dans leur univers.

Qu'est-ce qui vous a le plus inspirée?

Le monde des patients atteints de démence change de seconde en seconde. On ne sait jamais ce qui va arriver. Ils peuvent être Hamlet, puis, la seconde suivante, être plongés en pleine guerre en Russie. C'est une maladie qui a un côté très théâtral et c'est ce que j'ai voulu montrer sur scène. Pour communiquer avec mon père, je devais beaucoup improviser et participer à un jeu de rôle. Parfois, il se souvenait que j'étais sa fille, mais, à certains moments, il pensait que j'étais une tout autre personne.

De quelle manière avez-vous traduit la démence sur scène?

Dès le départ, j'étais persuadée qu'il me fallait une danseuse de ballet. Le langage de la danse classique est rempli de codes et de règles, un peu comme notre société. En danse contemporaine, on ne peut pas dire si le mouvement est juste ou non, alors qu'en ballet, chaque erreur technique se voit immédiatement. La ballerine reprend des fragments d'oeuvres qu'elle a interprétées par le passé, mais perd parfois le fil. Elle trouve finalement la liberté dans une forme de dédoublement de la personnalité et dans l'oubli de ce qu'a appris son corps par le passé.

Quel genre de scénographie et de musique avez-vous choisi pour cette performance?

C'est un solo, mais la démence est une problématique qui touche de très nombreuses personnes. On a utilisé des sacs en plastique orange pour donner cette impression et ils sont autant de souvenirs oubliés. Je n'ai choisi que des chansons en lien avec la perte de mémoire, mais j'ai également fait ajouter des voix provenant d'enregistrements d'entrevues avec des scientifiques à propos de la démence.

Travaillez-vous à une nouvelle création?

Oui, je suis de retour du Bangladesh où je suis en train de créer une nouvelle pièce pour 13 danseurs, Made in Bangladesh, à propos de l'industrie textile. La première aura lieu en novembre à Dacca, puis nous partirons pour une tournée européenne.

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Du 11 au 15 février à la Cinquième salle de la Place des Arts. Une présentation de Danse Danse.