La chorégraphe britannique avant-gardiste Wayne McGregor poursuit son étude des interactions entre corps et esprit dans FAR, nouvelle création pour 10 danseurs présentée par Danse Danse à partir de jeudi prochain, au Théâtre Maisonneuve.

Que ce soit dans ses chorégraphies pour le film Harry Potter et la coupe de feu, dans un vidéoclip de Radiohead ou sur scène, Wayne McGregor est adepte de l'interdisciplinarité. Fondée en 1992, sa compagnie Random Dance a eu tôt fait d'incarner un nouveau courant chorégraphique en incorporant dans ses pièces des images animées, des films numériques, l'architecture 3D, des sons électroniques et des danseurs virtuels sur scène.

Le public montréalais a notamment pu découvrir en 2011 l'audacieuse démarche de Wayne McGregor, chorégraphe en résidence au Royal Ballet, mêlant sciences cognitives, nouvelles technologies et danse, dans Entity.

Le créateur geek du corps humain continue de défier les lois de l'anatomie et de remettre en question les évidences chorégraphiques dans FAR, une pièce dont le titre est en fait l'acronyme de Flesh in the Age of Reason, un ouvrage de l'historien Roy Porter exposant l'évolution de la vision du corps et la conception de la pensée et des émotions depuis le siècle des Lumières.

Alors que les premières autopsies révolutionnent la philosophie du corps et de l'esprit, Diderot et sa première encyclopédie tentent de comprendre le fonctionnement du corps et son lien avec le cerveau, ce qui remet en question la conception que l'on se faisait alors des mécanismes de la pensée et de l'émotion. Une quête que Wayne McGregor exploite trois siècles plus tard pour créer un nouveau langage chorégraphique qui repousse toujours plus loin les manières de penser le mouvement.

«On a beaucoup travaillé avec des images tirées de la première encyclopédie de Diderot. Il y a vraiment eu un grand changement de la perception du corps au cours de ce siècle-là. FAR, c'est aussi un peu l'idée du corps si petit dans l'univers», explique Catarina Carvalho, danseuse et répétitrice pour FAR.

Résolution de problèmes

Wayne McGregor a eu recours à des exercices de visualisation afin de créer de nouvelles images et de nouvelles manières de bouger.

«Wayne propose des choses en studio, puis il va nous donner des problèmes à résoudre. Il nous a, par exemple, donné des images d'objets utilisés pour faire des autopsies pendant le siècle des Lumières et on a travaillé avec ça pour créer des phrases chorégraphiques», raconte Catarina Carvalho.

Des exercices qui ont donné vie à un vocabulaire unique, marqué par d'improbables contorsions et extensions, l'élasticité et la surarticulation du corps, des combinaisons gestuelles insolites et l'incroyable rapidité des changements de direction du mouvement.

Wayne McGregor a fait appel à rAndom International et à l'éclairagiste Lucy Carter pour penser une scénographie hypnotisante, faite d'ombres et de lumières - grâce à un immense panneau de 3000 ampoules DEL -, d'objets et de films.

Une structure préprogrammée qui est à certains moments en interaction avec la partition de Ben Frost, compositeur expérimental australien de renom.

Wayne McGregor est en tournée nord-américaine avec FAR, mais il présentera également Atomos - dernier volet de la trilogie entamée avec Entity et FAR - au cours des prochains mois.

«Toutes ses créations sont liées à la recherche qu'il fait en parallèle de son travail artistique avec la compagnie. Wayne et son équipe créent depuis 10 ans un logiciel qui s'appelle Choreographic Language Agent. C'est un instrument qui génère des objets en 3D à partir de données qui prennent vie en studio. On l'a surtout utilisé pour chorégraphier Atomos, à partir d'images tirées d'un film des années 80», souligne la danseuse Catarina Carvalho à propos de la plus récente création de McGregor inspirée de la cellule.