Chaque année, l'École nationale de ballet (ENB) part à la recherche de nouvelles recrues dans le cadre de son programme professionnel, qui formera de futurs danseurs étoiles. De Terre-Neuve à Vancouver, de jeunes candidats tentent leur chance pour rejoindre le prestigieux établissement de Toronto et ainsi réaliser leur rêve. La Presse les a suivis lors des auditions de Montréal.

La tournée nationale d'auditions visite plus de 20 villes et villages canadiens et plus de 1000 élèves font chaque année une demande d'admission aux programmes à temps plein de l'École. Environ 150 d'entre eux seront invités à se joindre aux élèves de l'ENB pour participer au cours d'été, en juillet, et approximativement 50 se verront offrir une place dans le programme de ballet professionnel et le programme postsecondaire à temps plein.

Dans une des salles du Studio Bizz de Montréal, les jeunes candidats s'échauffent sous le regard attentif de leurs parents, figés par la nervosité. Ils ont entre 10 et 12 ans et partagent tous le même rêve: devenir danseur étoile. Encore hauts comme trois pommes, les jeunes danseurs prennent l'audition très au sérieux.

Chloé (11 ans) s'étire à la barre. La jeune fille qui veut devenir danseuse contemporaine a commencé à danser il y a déjà sept ans. «Je ne suis pas trop nerveuse. C'est ma deuxième audition pour le stage d'été. J'aimerais beaucoup y aller pour améliorer ma technique. Par contre, je ne sais si je suis prête à aller vivre à Toronto», lance-t-elle.

Au milieu de leurs sept jeunes concurrentes, Zaho (12 ans) et son frère Koffi (10 ans) s'entraînent avec sérieux avant de commencer leur audition. S'ils sont en minorité ce jour-là, il faut savoir que 41% des élèves de l'ENB sont des garçons. Il s'agit du plus gros ratio de l'histoire de l'établissement.

«Au début, je pensais que le ballet était seulement pour les filles, mais quand j'ai été aux portes ouvertes de l'École supérieure de ballet du Québec, où va mon frère, j'ai vraiment aimé ça. J'ai fait une audition pour aller au stage d'été et ils m'ont fait entrer au programme professionnel. Je veux être danseur classique dans une compagnie plus tard», précise Koffi, qui a commencé la danse l'an dernier.

Jury

En file indienne, les petits danseurs entrent enfin dans la salle d'audition où les deux membres du jury de l'École nationale de ballet, Raymond Smith et Rosalie Deligioridis, les attendent.

Ils vont devoir suivre une classe spéciale enseignée par un professeur de ballet de l'établissement. Ces classes sont spécialement conçues pour évaluer divers attributs tels que la coordination, la musicalité, la qualité du mouvement et l'aptitude à satisfaire aux exigences du ballet classique. Aucune préparation particulière n'est requise et il n'est pas nécessaire que les enfants de moins de 12 ans aient déjà reçu une formation en danse.

«Ils n'ont pas besoin d'être déjà des superstars. On veut juste savoir s'ils pourront s'adapter à notre programme, mais nous n'avons que très peu de places», explique Raymond Smith, enseignant au Ballet national du Canada depuis 9 ans, lui-même entré à l'école au même âge que les jeunes candidats.

Résultats

Après près d'une heure d'audition, les résultats sont tout de suite dévoilés, et trois candidats sur neuf n'auront pas été retenus.

«Je n'ai pas été pris, mais je vais réessayer la prochaine fois et je vais l'avoir. C'était quand même difficile, surtout pour mon âge. Je ne suis pas très souple, et je pense que c'est aussi pour ça qu'ils ne m'ont pas pris», explique avec sérieux Koffi.

«C'est toujours difficile de dire non à quelqu'un qui a une telle passion. Mais on les invite à revenir l'an prochain: ils ne sont pas encore prêts à rejoindre l'école, peut-être que l'année prochaine, ils seront plus matures», précise l'un des juges.

Entrevue

Après l'audition, les élèves retenus ont été invités à passer individuellement une entrevue pour la décision finale.

«Ils m'ont demandé si j'étais prête à aller au camp d'été et, s'ils me retenaient après, à aller à l'école à Toronto et à me séparer de ma famille. J'ai dit que oui, peut-être. Ça a très bien été pour moi, je suis excitée. J'étais vraiment soulagée quand ils ont appelé mon nom parce que je l'avais fait il y a deux ans et je n'avais pas été reçue», dit Chloé, enthousiaste.

Après le stage d'été en juillet, environ 50 élèves retenus seront ensuite invités à intégrer le programme de ballet professionnel à temps plein et ainsi à vivre à Toronto en internat.

«Ce ne sont pas habituellement les élèves, mais les parents qui refusent que leur enfant quitte le nid familial. Voir son enfant de 11 ans partir dans une ville étrangère aussi loin est vraiment difficile et compréhensible», conclut Raymond Smith.