Passé maître dans l'art de l'hybridation des styles, le danseur et chorégraphe québécois d'origine américano-mexicaine Victor Quijada est de retour avec Quotient empirique, oeuvre créée, comme ses précédentes, en résidence à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Le chorégraphe et sa compagnie RUBBERBANDance investiront à nouveau les lieux pour trois semaines afin d'y présenter à partir de mercredi cette pièce qui se veut l'aboutissement de 10 ans d'expérimentation et de création.

«J'ai utilisé toute l'information accumulée au cours des 10 dernières années. Pour chaque projet, je me mettais un défi: travailler avec des décors mobiles, utiliser la gestuelle du breakdance sur de la musique classique, ou encore créer autour d'une narration complète dans laquelle les personnages changeaient tout au long de la pièce. Quotient empirique est le fruit de tout cela», explique Victor Quijada, qui pour la toute première fois ne se produira pas sur scène aux côtés de ses danseurs.

«Jusqu'ici, je n'étais pas encore prêt à travailler seulement comme chorégraphe, de l'extérieur. J'ai créé le style et le langage de la compagnie dans mon corps, à travers des années, et je ne savais pas encore diriger un autre corps en fonction de ma vision. Maintenant, je suis prêt! Quand je regarde les nouveaux danseurs, je vois qu'ils parlent le langage RUBBERBANDance. Ils ne sont pas des reproductions de moi: ils ont leur propre accent tout en parlant mon langage», explique le créateur.

Depuis la formation de la compagnie en 2002, on peut aujourd'hui parler d'une véritable «méthode RUBBERBANDance», une gestuelle unique qui emprunte aux milieux classique, contemporain, urbain, jazz ou circassien.

Mais avant de se permettre de créer son propre style, Victor Quijada a voulu exceller dans divers cercles de danse. Marqué par le hip-hop au cours de son enfance dans les barrios de Los Angeles, Victor Quijada étudie à la Los Angeles County High School for the Arts avec le pionnier postmoderne Rudy Perez.

Le talent de Victor Quijada est tel qu'en 1996, Twyla Tharp l'invite à faire partie de sa compagnie, Tharp!, l'encourageant ainsi à apprendre rapidement la technique du ballet. Il y parvient et se joint trois ans plus tard au Ballet Tech/Feld Ballets, puis aux Grands Ballets canadiens de Montréal.

«C'est seulement après le hip-hop, le classique et le contemporain que j'ai vraiment commencé à mériter le titre de chorégraphe. J'ai été chanceux de pouvoir créer mon propre cercle à 26 ans», dit-il en évoquant RUBBERBANDance.

«J'ai d'abord rompu avec mon amour pour la danse de rue pour entrer dans le formel. Puis j'ai voulu ramener les deux ensemble», ajoute Victor Quijada.

Pour Quotient empirique, Victor Quijada poursuit une collaboration de plusieurs années avec le compositeur Jasper Gahunia et pousse la recherche menée dans Gravity of Center (2011) en travaillant autour de l'idée d'instinct grégaire et de déplacements en meute.

«Jasper Gahunia construit une palette de couleurs avec laquelle je travaille en studio, mais la plupart du temps, je travaille avec ma musique. On travaille la musique un peu comme dans un atelier de couture: on jette d'abord grossièrement le tissu sur le mannequin, puis on fignole des détails une fois que la chorégraphie est achevée», précise le créateur.

Mais le thème principal de cette oeuvre est celui de la perception que l'on a de soi-même et de l'identité, qui se transforme au fil du temps et des expériences vécues, traînant dans son sillage un brin de nostalgie et, parfois même, quelques regrets.

«Ce qui résonne dans la pièce, c'est qu'on forme un tout: nous sommes tous des humains au final. Parfois on est agresseur, et à d'autres moments, victime. La personne rejetée peut aussi devenir la personne qui rejette. Sur la scène, on partage ainsi des expériences de notre trajet en tant qu'humains, et moi je partage ce qui se passe sur ma route de créateur.»

Quotient empirique de RUBBERBANDance, une coprésentation de Danse Danse et de la Place des Arts.

À partir du 20 novembre à la Cinquième Salle.