Ça emmène quelque part et ça fait beaucoup d'effet. De Prismes, la nouvelle création de Benoît Lachambre pour la compagnie Montréal Danse, on retient d'emblée cela. Comme dans une histoire d'amour, on ne saisit pas tout et on ressent des émotions contradictoires, mais il se passe quelque chose de réjouissant.

On sait Benoît Lachambre jamais convenu, jamais répétitif, jamais frileux non plus. Comme interprète, et peut-être encore plus comme chorégraphe, il parvient à transfigurer tout ce qu'il touche, c'est-à-dire la manière dont un interprète bougeait jusque-là, ce qu'il savait ou donnait de lui-même. D'innombrables interprètes, célèbres ici comme en Europe, ont montré, entre ses mains, des aspects insoupçonnés de leurs ressources et de leur talent, au risque qu'on ne les reconnaisse plus.

On sait aussi les interprètes de Montréal Danse, pérenne et magnifique compagnie de danse montréalaise, caméléons, audacieux, physiquement parfaits et mentalement disponibles. On les a vus se métamorphoser d'une pièce et d'un chorégraphe à l'autre. Elinor Fueter, Annik Hamel, Rachel Harris, Sylvain Lafortune, Manuel Roque et Peter Trosztmer sont game, c'est certain.

On sait enfin que l'Agora de la danse est le lieu des expérimentations chorégraphiques et des moyens mis à la disposition des créateurs pour la naissance de celles-ci. Alors l'attente était forcément grande de voir ces trois partenaires réunis. Le résultat, alors, n'est pas seulement conforme à ce qu'on pouvait attendre, mais vraiment étonnant.

Ce qu'on retient de ce show hors norme, difficile à décrire parce qu'il est avant tout une expérience physique, à vivre avec tous ses sens tour à tour bombardés, fascinés, agacés, alanguis ou secoués, c'est la fonte parfaite de tout l'ensemble. C'est la grande réussite parce que dans cet univers de folie éclectique, un seul élément bancal, ou juste moyen, briserait la magie, laquelle se produit ou pas, on ne sait jamais, mais sans laquelle l'équilibre se romprait.

Les interprètes, époustouflants, livrent leur corps dans tous les états, dans des situations périlleuses, avec humour et dérision. En donnant du geste mais aussi de la voix. Mais ce ne serait rien sans les prouesses fusionnées de l'éclairagiste Lucie Bazzo et de l'univers sonore enivrant signé Laurent Maslé et Thomas Furey.

C'est très coloré, dans tous les sens du terme. Et comme les couleurs interagissent, les réactions alchimiques des corps des danseurs entre eux et avec ceux des spectateurs finissent par entraîner quelque part, ailleurs.

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Prismes, de Benoît Lachambre, à l'Agora de la danse jusqu'au 19 octobre.