Il n'en est pas à sa première relecture de ballet classique. Après Giselle, Le sacre du printemps, Le lac des cygnes et Carmen, le chorégraphe suédois Mats Ek s'est attaqué, en 1996, à La Belle au bois dormant. Mais il aura fallu attendre 2009 avant qu'il n'offre cette sombre pièce aux danseurs des Grands Ballets, acclamés par la critique dans cette version. La princesse de Mats Ek est de retour jusqu'au 26 octobre sur les planches du Théâtre Maisonneuve aux côtés de son prince trafiquant de drogue qui n'a nullement l'intention de la sauver. Mais pour la toute première fois, sur une musique de Tchaïkovski interprétée par l'Orchestre des Grands Ballets sous la direction de Florian Ziemen.

Q : Comment le fuseau de la princesse s'est-il transformé en aiguille d'accro à l'héroïne?

R : Je voulais revisiter ce conte de fées depuis un moment. Je travaillais à Zurich et le gouvernement en Suisse avait une politique antidrogue très libérale. Tous les matins pour me rendre au théâtre, je traversais un parc où se trouvaient de nombreux toxicomanes. Un jour, j'ai croisé cette jeune femme très pâle, au visage marqué qui m'a demandé de l'argent. Je me suis alors mis à imaginer que quand elle se piquait, elle s'endormait pour 100 ans, comme La Belle au bois dormant. Voilà ce qui a été mon point de départ pour créer ce ballet.

Q : Votre version du conte de Perrault laisse-t-elle une place à l'amour?

R : Il était inévitable de garder l'histoire d'amour dans La Belle au bois dormant. Sauf que dans ma relecture, la romance la plus intense se passe entre Carabosse, le trafiquant de drogue (la fée démoniaque dans la version originale du conte) et la princesse Aurore. Après 100 ans de dépendance à l'héroïne, elle est réveillée par le prince. C'est là que l'histoire d'amour se complique.

Q : Quelle doit être la principale qualité de l'interprète d'Aurore?

R : Elle doit en avoir de très nombreuses! C'est une jeune fille rebelle qui a du mal à s'entendre avec ses parents et qui rencontre un homme qui va la faire plonger dans l'enfer de la drogue. Des ruines de sa vie, elle va avoir une seconde chance grâce au prince qui va la sortir de là. L'interprète d'Aurore doit donc utiliser un large spectre d'émotions, ce qui est très demandant pour elle. Elle doit être forte et capable d'utiliser son imagination pour danser le plus justement possible.

Q : Quel rôle jouent les fées dans votre version de La Belle au bois dormant?

R : Elles sont indispensables dans un tel conte. À la base, il y en a neuf dans La Belle au bois dormant, dont quatre dans le second acte. Mais j'ai décidé de n'en garder que quatre, soit les fées or, émeraude, argent et rubis, qui sont les plus importantes auprès d'Aurore. Elles représentent les qualités qu'elles doivent lui transmettre à sa naissance. Le fait qu'elles soient moins nombreuses a aussi permis de leur accorder une plus grande importance, du début à la fin de la pièce.

Q : Pourquoi avoir choisi de garder la musique de Tchaïkovski?

R : Il a fallu trouver le langage approprié, recréer et pas juste traduire La Belle au bois dormant. J'ai suivi la musique de Tchaïkovski. C'est un compositeur de génie. Il a fallu que je puise dans son héritage et que j'établisse un dialogue entre sa musique et mon histoire.

La Belle au bois dormant en chiffres

> Première mondiale par le Ballet de Hambourg le 2 juin 1996 en Allemagne.

> Huit représentations au Théâtre Maisonneuve.

> 30 danseurs.

> Une soixantaine de musiciens.

> Près de 150 costumes créés pour ce ballet.

> En 2009, la création de costumes a coûté 250 000$.

> Pour remonter le tout, la production a coûté, toujours en costumes, 40 000$ cette année (ajustements, teinture, essayages...).