Un cadeau, une belle folie d'été, un moment de bonheur. Si l'on demande à Margie Gillis ce qu'est Cavatines et contrepoints, c'est ce qu'elle répond. Entre autres parce qu'elle a travaillé sur le projet avec Tedd Robinson, un complice dont elle admire le travail et la personnalité.

«Tedd est l'un des trois ou quatre mentors qui m'ont guidée dans la vie. J'adore travailler avec lui. J'aime sa sagesse, son point de vue artistique. Créer ensemble, c'est une joie.»

Le spectacle, qui propose des chorégraphies en solo et en duo sur des airs classiques interprétés par le pianiste Jean Desmarais, reproduit l'ambiance intime des salons artistiques du début du XXe siècle. Des pièces de Beethoven, Chopin, Scriabine et Debussy servent de décors sonores aux pas des deux danseurs.

«Jusqu'ici, on a répété dans la grange de Tedd. Au Festival Orford, vendredi, ce sera notre première représentation plus officielle, mais on tournera le spectacle ailleurs au Québec pendant l'année»

Les tableaux dansés transportent chacun leur univers, leur esprit propre.

«Dans tout ça, il y a aussi un peu de personnages. Tedd en incarne un qui danse sans montrer son visage. Moi, je fais notamment écho au travail de Loïe Fuller.»

Grande danseuse américaine qui fit sa marque dans de grosses productions il y a plus de 100 ans, Fuller était entre autres renommée pour les voiles qu'elle faisait virevolter dans ses chorégraphies. Le détail ne sera pas mis en reste.

«Je porte un costume qui reproduit fidèlement ceux qu'elle portait, bien qu'il soit taillé dans une soie plus légère», explique Margie Gillis, récemment nommée Officière de l'Ordre du Canada, elle qui avait été la première danseuse contemporaine à être décorée de l'Ordre du Canada, en 1988.

«Je suis très fière de l'honneur qu'on me fait, très fière d'être canadienne. J'ai aussi la citoyenneté américaine, mais même aux États-Unis, j'ai toujours dansé en tant que Canadienne. Parce que je suis d'ici, je suis faite de ce royaume sauvage où alternent la verdure et la neige. La générosité de l'été, la tristesse et le désir de l'automne, la froidure et le secret de l'hiver: tout ça m'habite et teinte ma danse.»

La référence aux quatre saisons n'est pas fortuite. Source d'inspiration importante pour Margie Gillis, la nature est au coeur de sa démarche et de sa création. Au coeur de certains de ses tristes constats, aussi.

«Parce que ce qui se passe avec la planète est inquiétant. Nous agissons stupidement avec nos ressources. Nous ne pouvons pas continuer comme ça, nous courons à notre perte, si rien ne change. J'ai très peur pour la Terre. De l'espoir, j'en ai quand même. L'humain est un être de compassion. Il faut revenir à ça, à cette essence. Dans tout ce que je fais, il y a cette idée. J'essaie de défendre la liberté, la nature et la société de compassion que je souhaite contribuer à créer.»

Celle qui a dansé aux quatre coins du monde et récolté nombre d'honneurs célèbre cette année ses 40 ans de métier. Quatre décennies à briller en solo, c'est en soi un exploit.

«C'est un défi que peu de danseurs relèvent, en effet. Après 10 ans à faire ça, on me disait déjà que je ne pourrais plus continuer ainsi très longtemps. Après 40 ans, on me répète la même chose. Je ne danse évidemment plus comme une jeune femme. Mais une fois passé le premier choc, je réalise que pour chaque limite que me pose mon corps, il y a une nouvelle possibilité de mouvement. Et je suis toujours curieuse de la découvrir. C'est ainsi que j'aborde les choses et les années qui passent.»

> Cavatines et contrepoints, salle Gilles-Lefebvre, Centre d'arts d'Orford, 16 août, 20 h