On connaissait l'hybridité chorégraphique de Sinha Danse, sa subtile structure tissée comme un pont entre danse contemporaine, gestuelles traditionnelles de l'Inde et arts martiaux. Tout comme on connaissait l'envoûtement de la musique du groupe Constantinople ciselée comme un pont de métissage entre des horizons musicaux lointains et anciens et le public d'aujourd'hui.

Avec Sunya, Roger Sinha et Kiya Tabassian, et leurs équipes, jettent un pont entre leurs univers respectifs tout en y restant fidèles. Une invitation à un voyage subtil aussi sensuel que spirituel, une fusion sobre et respectueuse d'une beauté émouvante.

Le spectacle s'ouvre d'ailleurs sur une marche bien symbolique des deux créateurs l'un vers l'autre, sous une pleine lune bien caractéristique de l'Orient, Roger Sinha dansant et Kiya Tabassian le rejoignant avec son sitar.

Dès lors entrent en scène les deux autres musiciens, Ziya Tabassian et Pierre-Yves Martel, et les quatre danseurs: Tanya Crowder, Ghislaine Doté, Thomas Casey et François Richard. Les musiciens en noir, les danseurs ceints de beige sable avec une touche d'or, subtils rappels vestimentaires orientaux revisités par Denis Lavoie.

Des costumes androgynes qui accentuent la belle sobriété épurée de la scénographie globale: lumières tamisées de Caroline Nadeau qu'enveloppent les tessitures de l'environnement vidéo projeté au sol et au fond: nuances de turquoise, ocres et bruns ainsi que volutes de calligraphie arabe, le tout conçu par Jérôme Delapierre.

C'est un écrin minutieux, magnétique et ensorcelant dans lequel la musique invite à un transport de tous les sens, plongeant le public dans un état de quasi-béatitude. L'écriture chorégraphique de Roger Sinha, si élaborée, à la fois vive et acrobatique autant que langoureuse, faite de courbes, de déhanchés autant que d'angles aigus, et l'incroyable travail des pieds autant que des bras et du buste, s'y déploient grâce à des interprètes saisissants de justesse et de virtuosité.

Le tout est à la fois extrêmement poétique, inspiré et inspirant, hypnotique et émouvant, empreint de profondeur autant que d'une légèreté ludique et festive. La puissante harmonie de l'ensemble vient de la fusion réussie des différences. Sunya s'achève dans un parfait unisson des danseurs entre eux, et avec les musiciens. Les singularités respectives se fondent dans un monde redevenu un.

Une pièce sublime au travers de laquelle Sinha Danse et Constantinople repoussent en effet les frontières de leurs horizons respectifs. Pour l'amour de l'altérité.

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Sunya, Sinha Danse et Constantinople, du 24 au 27 avril, 20h, à la Cinquième Salle.