La compagnie néerlandaise T.r.a.s.h., invitée par Danse Danse, présente en ce moment deux duos à la Cinquième Salle. Le style de la compagnie? Féroce! Au menu de Enchanted Room et T†Bernadette, dysfonction et mal être, servis toutefois selon une approche des plus captivantes.

Dans Enchanted Room, un homme à la tête de hooligan, interprété par Joss Carter, et sa soeur, Oona Doherty, petite diablesse en culotte à froufrous, éructent, trébuchent et piaffent dans une sorte de non-lieu blanc piqué de trois arbres morts. Le frère marmonne des choses sur sa sexy soeur prépubère, alors qu'elle chante des bouts de comptines à des moments déconcertants.

De chaque côté de la scène, une soprano et un baryton enveloppent ce duo plutôt maniaque de doux chants polyphoniques, qui finiront eux aussi par grincer et se disloquer comme les corps, parfois en asynchronisme.

Tout le rythme d'Enchanted Room repose en fait sur un va-et-vient soutenu, amené par la gestuelle et le chant, entre tension brutale et le faux relâchement de ceux qui, même blessés, ne baissent jamais leur garde. Carter et Doherty trébuchent sans cesse, mais ils rebondissent aussitôt.

C'est entre autres cette dynamique gestuelle si imprévisible qui confère à ce duo malsain un aspect fascinant. Tout comme les multiples pointes d'humour inattendues amenées par l'attachante Doherty.

Lenteur et violence

Dans T†Bernadette, une machine à laver plantée au milieu du plateau, autrement vide, annonce une situation domestique: Carter et Doherty incarnent maintenant un couple, aussi impitoyable que dans Enchanted Room.

Cela dit, ils laissent filtrer davantage leur côté vulnérable, alors que la gestuelle, tout aussi tonique que dans le premier duo, fait alterner lenteur et violence explosive.

Une violoncelliste, assise au bord de la scène, suit sans relâche les danseurs et ajoute une couche au jeu de l'attraction/répulsion. Avec minutie, les chorégraphes Kristel van Issum et Guilherme Miotto et le compositeur Arthur van der Kuip tissent un barrage d'émotions implacable.

À en croire ces deux duos, T.r.a.s.h. n'a en fait rien de trash.

Certes, la hargne et la charge de la scène punk underground de laquelle est issue la compagnie sont encore bien présentes. Mais, l'esthétique est léchée et minimaliste et l'écriture chorégraphique, indissociable de celle de la musique, se base sur une écriture modulée avec soin, dont la tension gagne rapidement le public.

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À la Cinquième salle de la Place des Arts, jusqu'au 9 mars.