Brigitte Haentjens, qui ces dernières années, a mis en scène les mots de Brecht, Sarah Kane, Virginia Woolf, Louise Dupré, est une artiste du verbe. Voilà pourquoi il est si intéressant de la retrouver là dans le giron de Dance-Cité, dirigeant Anne Le Beau et Francis Ducharme dans une étude sur le thème de la douleur.

Dans la lignée de Douleur exquise, dans laquelle Brigitte Haentjens s'appropriait les mots de l'artiste Sophie Calle pour diriger Anne-Marie Cadieux dans une déclinaison sur le thème du chagrin amoureux, Haentjens s'engage, avec Ta douleur, dans une démarche nettement plus physique et instinctive.

Ducharme et Le Beau, fins seuls sur la scène dénudée de La Chapelle, accomplissent avec talent une étude sur diverses incarnations de la douleur. Sur une trame musicale de Bernard Falaise qui module subtilement leurs états d'âmes, convulsions physiques ou éclats de violence, Ducharme et Le Beau visitent avec une économie de mots, divers degrés de mal. Tantôt témoins, tantôt bourreaux, tantôt victimes de cette douleur qui se fait cruelle, solitaire, intérieure, intenable, exquise...

Série de vignettes entrecoupées de noirs qui marquent les transitions, Ta douleur propose aussi une réflexion sur l'utopique empathie. Celle d'un homme qui assiste impuissant à l'accouchement de sa femme. Celle du spectacle face à la douleur physique d'une ballerine victime de l'impitoyable passage du temps et de la gravité. Et celle, clinique, du médecin qui mitraille son patient de questions sur la nature du mal qui le réveille la nuit. Sexe triste, rejet, rupture, souvenirs torturés... On parcourt aussi les innombrables états de la république de la souffrance.

La forte personnalité de Le Beau et Ducharme de même que la chimie contribuent énormément à l'achèvement de cet objet qui, sans être une pièce qui révolutionnera le genre, est une rencontre réussie entre la danse et le théâtre. Avec une belle liberté et le concours de deux interprètes qui sont aussi de convaincants acteurs, Haentjens s'offre une exploration du corps et de l'émotion qui ne trahit guère son travail dramaturgique avec Sybillines.

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Ta douleur, de Brigitte Haentjens, avec Anne Le Beau et Francis Ducharme, à La Chapelle jusqu'au 29 septembre.