Au Théâtre Maisonneuve, la Batsheva Dance Company, basée en Israël, présente Hora, une création de son directeur artistique Ohad Naharin. Fieffé coquin, que ce Naharin! Avec cette pièce pour 11 danseurs, il déjoue constamment, et finement, nos attentes.

Hora n'est que perte de repères. D'abord, pour seul décor, trois murs...  d'un dynamisant vert lime, un choix de couleur scénique plutôt inhabituel. Ensuite, lorsque les 11 danseurs se lèvent tour à tour du long banc placé en fond de scène : un bref unisson et puis tout éclate. Chacun suit une chorégraphie qui obéit à sa propre logique interne, sans lien apparent avec celle de son voisin.

Même la partition individuelle de chacun semble incongrue. Transitions inhabituelles ou escamotées, phrasé syncopé, vocabulaire étonnant...   Notre oeil de spectateur cherche à s'accrocher à la moindre concordance, au moindre motif. Et Naharin, magnanime, nous en donne ici et là, avec parcimonie, mais en général Hora se dérobe sans cesse à notre entendement. De temps en temps, les danseurs, qui ne quittent jamais la scène, retourne sur le banc, comme pour permettre au spectateur de se nettoyer le palais.

Même la musique, complètement psychotronique, ajoute une couche d'absurde à l'univers ludique, baroque et fascinant qu'est en train d'échafauder Naharin, avec force détails. Adaptés pour synthétiseur et thérémine, signées surtout par le compositeur japonais Isao Tomita, thèmes Star Wars et de 2001, l'odyssée de l'espace; Suite clair de lune ou Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy surgissent, en contre-emploi, là où nous ne nous y attendons surtout pas.

Pour apprécier Hora, il faut lâcher prise, se laisser dérouter et ainsi se donner le loisir d'y repérer toute l'inventivité et la maîtrise dont Naharin et ses interprètes font preuve pour occuper l'espace, varier les formes et les dynamiques et finalement construire l'apparence du chaos.

Hora de la Batsheva Dance Company, jusqu'à samedi soir, au Théâtre Maisonneuve, de la Place des Arts.