Éve Garnier et Victoria May, deux danseuses magnifiques, intenses, habitées par une énergie magnétique et attachante. Quatre chorégraphes, Anders Christiansen, Louise Bédard, Martin Bélanger et Dominique Porte, inspirés par le thème de la migration, du passage, de la confrontation à l'inconnu, langues et lieux étrangers.

En deux duos et deux solos, ces six créateurs, accompagnés par les lumières minimalistes mais prégnantes de Rasmus Sylvest et l'environnement sonore, signé Olivier Girouard, dérangeant ou captivant, mais toujours d'un impact déterminant, offrent une soirée dense, interrogeante, qui se reçoit comme un tout.

Tout un voyage autour des liens qui, en chacun de nous, se tissent entre ici et ailleurs, entre hier, aujourd'hui et demain. Deux heures trente qui entraînent dans un état à part, inconfortable ou tendre mais jamais neutre ni facile. Une virée en quatre temps, puissante et étrange, dans des clairs-obscurs de l'ailleurs.

Danse-Cité propose ainsi la deuxième pièce de sa saison trentième anniversaire. Comme toujours dans la série Traces-Interprètes, ce sont les interprètes qui ont choisi des chorégraphes et conçu l'ensemble. Éve Garnier et Victoria May ont opté pour leurs territoires communs : la danse, parce que toutes deux ont migré, dans leur parcours professionnel, d'une gestuelle à une autre ; et l'ailleurs, parce que la danse les a amenées à vivre ici et là. Éve Garnier de Paris au Danemark puis à Montréal, Victoria May de Winnipeg à la Suède et au Danemark, puis à Montréal. Des lieux, des cultures, des gestes, des langues, cumulés comme des strates fusionnées dans leurs corps par le biais de la mémoire du mouvement.

Leur commune plaque tournante danoise s'illustre à travers le choix du chorégraphe Anders Christiansen qui signe la première des quatre pièces, une ambiance méditative et habitée qui dès le début donne le ton. Après l'entracte, suivent les solos de Louise Bédard pour Victoria May et Martin Bélanger pour Éve Garnier. Du travail d'orfèvre où l'on reconnaît bien les signatures chorégraphiques et où l'on admire, dans deux registres très différents, l'interprétation généreuse et intense, l'époustouflant déploiement de talents, force et finesse, souplesse et expressivité mêlés, des deux danseuses. C'est en effet du sur-mesure : à la juste mesure de leurs capacités vastes et de leur fort impact scénique.

La soirée finit comme elle a commencé, par un duo, signé Dominique Porte. Une pièce plus ludique, plus vive, un registre chorégraphique tout autre. C'est comme quatre pièces distinctes habilement tricotées ensemble : une véritable prouesse physique et sensitive, exigeante, mais qui finit par entraîner le spectateur dans son sillage.

Les artistes sont peu ou prou des citoyens du monde, et les danseurs, depuis toujours, plus encore que tous les autres. Sans compter que la création est en soi une migration, intérieure plus encore que géographique. Mais partout notre corps demeure notre seul ici, notre seul pays, universel et atemporel. Éve Garnier et Victoria May en font une démonstration convaincante.

Straight Right ou l'art d'être Nulle Part Ailleurs, à l'Espace Go du 22 au 25 février, 20h.