Danseuse professionnelle depuis 30 ans, enseignante et répétitrice, Sophie Corriveau devient chorégraphe avec Jusqu'au silence, solo présenté à l'Agora de la danse à partir de demain. La pièce, créée avec la complicité de son frère et de son conjoint, porte aussi l'empreinte de sa mère.

«Ma mère est morte quand j'avais 13 ans, dit Sophie Corriveau. Ça reste l'événement le plus important de ma vie.»

Pour elle comme, sans doute, pour ses neuf frères et soeurs dont Thomas, son frère aîné, peintre et artiste pluridisciplinaire de l'image et professeur à l'UQAM. «On est les deux artistes de la famille, dit la chorégraphe. On s'était toujours promis de faire quelque chose ensemble.»

Son frère Thomas a créé des images d'animation, tandis que son conjoint Marc Parent est le concepteur de lumières. Jusqu'au silence est ainsi l'oeuvre d'une famille qui est aussi une famille artistique. S'y ajoutent des amis qui ont accompagné le parcours de la danseuse: Daniel Soulières, interprète et directeur de DanseCité, Angelo Barsetti qui signe les costumes et le maquillage, Michel F. Côté qui a conçu la musique, et Catherine Tardif, conseillère artistique.

Le sujet de ce solo est délicat, émotif. Il lui fallait s'entourer de personnes intimes pour en rendre la justesse. Durant l'enfance de ses 10 enfants, et en parallèle à son oeuvre littéraire, l'écrivaine Monique Corriveau a tenu des Cahiers de famille dans lesquels elle compilait fidèlement le quotidien des siens.

«Ma mère a tout noté, raconte Sophie Corriveau. Elle collait des photos, des articles découpés, des dessins ou des mots qu'on lui avait donnés. C'est comme la mémoire de nos enfances. Et lorsque mon père a dû donner tous ses documents et manuscrits aux Archives nationales, il a soigneusement recopié l'ensemble des Cahiers de famille et a fait des photocopies pour chacun de nous. Il a fait un travail de moine. C'est à partir de ces Cahiers que j'ai construit ma pièce avec mon frère. C'est vraiment un hommage qu'on voulait lui rendre, à elle, et aussi à mon père.»

Son père est mort il y a quelques mois et Sophie Corriveau aura, en 2012, l'âge qu'avait sa mère au moment de sa mort. C'est certainement un moment adéquat pour se tourner sur son enfance et transmettre sa mémoire. En dansant, bien sûr, puisque c'est ce qu'elle a toujours fait, depuis qu'enfant elle prenait des cours à l'École de danse de Québec. «Je n'ai jamais voulu faire autre chose, dit-elle. Dans ma famille, j'ai toujours été celle qui danse, c'était ma place. Mais j'avais aussi un lien particulier avec ma mère à travers la littérature. Pour créer cette pièce, j'ai d'ailleurs beaucoup écrit. Et peut-être que quand je ne danserai plus, j'écrirai. Oui, j'aimerais ça.»

Jusqu'au silence de Sophie Corriveau, à l'Agora de la danse à partir du 12 octobre.