Demain, sous l'égide de la 2e Porte à gauche et de l'Agora de la danse, des chorégraphes aussi différents que Frédérick Gravel, Benoît Lachambre ou Manon Oligny et un groupe d'interprètes sans gêne, dont Clara Furey, Peter James et Francis Ducharme, investissent le Kingdom Gentleman's Club. Ils y présentent Danse à 10, en première partie du spectacle habituel de ce bar de danseuses nues du boulevard Saint-Laurent.

Le décor? Fauteuils rouges, velours, lions dorés sculptés, écrans qui diffusent des films pornos, distributeurs de désinfectants à mains... Au centre du Kingdom, une vaste scène surmontée d'une structure métallique: les pôles de danseuses nues. Quand La Presse arrive au club, à 17h30, il n'y a que Blanche Misswhite en piste; le lieu n'est encore occupé que par l'équipe de Danse à 10.

Blanche est une habituée: elle a dansé au Kingdom pendant un an. Cette spécialiste en pôle acrobatique répète l'émouvant solo, tout en contrôle, que Frédérick Gravel a concocté pour elle. Aux abords de la scène, Frédérick, qui la guide de consignes simples, mais aussi Miriah Brennan, formée à l'école de danse contemporaine LADMMI, et la chorégraphe Manon Oligny, qui s'extasient devant la force musculaire des cuisses de Blanche! Par ailleurs, comme tous les danseurs de Danse à 10, Blanche et Miriah préparent chacune, en plus d'un numéro sur scène, un solo en isoloir. «Pas certaine que je serai aussi à l'aise que Blanche pour solliciter des clients dans l'isoloir», lance Miriah avec un peu d'appréhension.

L'art de s'assumer

Blanche Misswhite vient d'entamer un baccalauréat, à temps plein, en psychologie. Elle avoue craindre l'étiquette de la fille qui danse pour payer ses études. Pourquoi danser, alors? Elle raconte qu'elle a d'abord suivi des cours de pôle fitness et de danse érotique par simple loisir. Mais la jeune femme se lasse de la sécurité du studio: si elle ne présente jamais ses numéros devant un véritable public, comment avoir un réel feedback?

Blanche se fait donc engager dans un club de danseuses... à Paris! «Nouvelle ville pour une nouvelle vie!», se rappelle celle qui découvre dans la Ville lumière que danse érotique peut rimer avec contenu artistique. Danse à 10 l'enchante: «Il y a un laisser-aller dans mon milieu... Mais marier la beauté du corps et le côté artistique, c'est comme donner une deuxième chance aux clubs de danseuses», explique celle qui n'avait jamais vu de spectacle de danse contemporaine avant de participer au projet. «Au début, c'était comme prendre un char pas de permis!», rigole Blanche. Elle apprécie la confiance que Frédérick place en elle. «Il me dit: fais ce que tu as à faire, pose-toi pas de questions de sens ou si ça va faire beau. Assume-toi!»

Plonger dans le vide

En choisissant de travailler avec Blanche, Frédérick Gravel plonge aussi dans le vide: «Si je rentre dans le monde des bars de danseuses, il faut aussi que j'accepte que ce monde-là me rentre dedans! Je dois me mettre dans le trouble.» Blanche est allumée, curieuse et frondeuse - elle n'arrête pas d'encourager Katya Montaignac, directrice artistique de Danse à 10, à demander davantage pour les danses en isoloir: «Il faut être entrepreneur! Les isoloirs, c'est comme donner un pourboire à un interprète que tu as adoré!» - et Frédérick découvre qu'elle possède une technique à laquelle il ne connaît rien!

«Blanche exécute habituellement des figures vives et aériennes, explique le chorégraphe, alors on a choisi de travailler en ultra lenteur, de montrer les efforts musculaires que ces numéros exigent.» La principale intéressée est enchantée du résultat. «En restant dans la simplicité, on a réussi à sortir de nos zones de confort, à créer quelque chose de nouveau; notre numéro n'est ni tout à fait de la pôle acrobatique ni de la danse contemporaine.»

Danse à 10 de La 2e Porte à gauche. Les 18, 19, 25, 26 et 27 septembre, à 19h, au Kingdom Gentleman's Club (1417, boul. Saint-Laurent).