La chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues est venue en 2003, pour la première fois à Montréal, présenter la très austère Formas Breves. En 2007, elle est revenue avec, ô contraste, un orgiaque déferlement de corps, de cris et de ketchup intitulé Incarnat, créé dans une favela de Rio de Janeiro. En 2011, la Lia Rodrigues Companhia de Danças est toujours installée dans la favela du Maré. C'est là que la compagnie a créé Pororoca.

En 2004, pour créer Incarnat, inspiré par l'essai Devant la douleur des autres de Susan Sontag, Rodrigues et ses interprètes plongent dans le vif du sujet et s'installent dans la favela du Maré, à Rio de Janeiro: environ 140 000 habitants, pas d'égouts, un paradis de trafiquants de drogue... La compagnie répète alors dans un vieux hangar abandonné, retapé par les danseurs.

En 2011, la Lia Rodrigues Companhia de Danças est toujours dans le Maré, après un court séjour dans un autre secteur. «Fin 2007, nous avons déménagé dans un autre quartier, Nova Holanda. Avec l'association REDES, qui y fait un travail social et pédagogique très important, nous rénovons actuellement l'espace pour le transformer en centre culturel», raconte Lia Rodrigues, jointe plus tôt cette semaine à la Biennale de Venise, où elle présente Pororoca.

La mission du centre, qui aura aussi bientôt son école de danse? Créer et diffuser des spectacles et former des artistes dans cette favela où les créateurs professionnels ne s'aventurent généralement pas. «La compagnie y a toutes ses activités. Nous y répétons, nous y présentons notre répertoire et nous donnons des cours de danse gratuits à la population», ajoute Rodrigues qui, par ailleurs, déteste qu'on la prenne pour une mère Teresa des favelas: «Nous sommes d'abord installés là pour créer!»

Contrer l'exclusion

Rodrigues insiste: elle va à la rencontre des habitants du Maré, certes, mais aussi de ceux des autres quartiers de Rio qu'elle attire dans la favela pour assister à ses créations. Native de Rio, l'ex-interprète de la compagnie française Maguy Marin doit son ouverture d'esprit en partie à son père. Petite, entre l'école et les cours de ballet, il l'amenait régulièrement visiter la favela, près de la maison familiale. Au retour, il lui demandait de consigner ses impressions sur papier!

«Développer notre travail dans cette favela, c'est contrer l'exclusion d'une immense partie de la population de Rio de Janeiro. À une époque où les frontières sont imposées et rigoureusement défendues, nous, à l'inverse, découvrons de nouvelles possibilités de partage, de dialogue et de création», précise Rodrigues.

D'ailleurs, pororoca désigne une vague immense et rugissante provoquée par le choc entre les eaux du fleuve Amazone et celles de l'océan Atlantique. Rodrigues avoue que l'équipe n'a trouvé ce titre qu'à la toute fin d'un processus de création, au cours duquel ses 11 danseurs exploraient tout bonnement l'idée de vivre en groupe, de partager un même espace.

«Pour moi, le terme pororoca évoque bien toutes les possibilités d'une rencontre, ce qui nous unit et nous sépare, la singularité et la pluralité...»

Pororoca de la Lia Rodrigues Companhia de Danças, du 28 au 30 mai à l'Usine C.