Le Paris de la Belle Époque se fait certes charmant et coloré, mais très propret sous la houlette du chorégraphe Jorden Morris et du Royal Winnipeg Ballet, dans Moulin Rouge - Le Ballet, présenté à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Moulin Rouge - Le Ballet raconte l'histoire de Nathalie, une blanchisseuse qui devient danseuse au Moulin Rouge, et de son amoureux Mathieu, un peintre, protégé de Toulouse-Lautrec. Les deux ingénus seront avalés tout rond par la faune qui fréquente le Moulin Rouge; Nathalie, harcelée par Zidler, personnage inspiré par un des cofondateurs du cabaret, y laissera sa vie.

Disons d'entrée de jeu que la scénographie de Moulin Rouge - Le Ballet, signée Andrew Beck, est splendide, dominée par un ciel immense aux couleurs changeantes d'aube et de crépuscule. Surplombent presque constamment la scène, les immenses ailes illuminées - et fonctionnelles! - du Moulin Rouge, qui symbolisent tant la fête qu'une ombre funeste. Et on aime que les ponts de Paris se transforment presque illico en intérieurs du Moulin Rouge.

L'histoire, inventée de toutes pièces par Jorden Morris, a le mérite d'être d'une lisibilité sans faille, sans doute en partie grâce à la collaboration du dramaturge Rick Skene. On nous présente les personnages, un à un: Nathalie, dansée le soir de la première par Vanessa Lawson, parfaite dans le rôle de la jolie jeune femme fleur bleue, prise entre deux feux; Matthew, jeune premier romantique, interprété par Gael Lambiotte, est juste assez naïf. Yosuke Mino prend les traits de Toulouse-Lautrec, sorte de marraine fée du jeune couple, et qui, ici, retrouve le plein usage de ses jambes et ne cesse de gambader!

Les danseuses du Moulin Rouge sont garces, mais elles auraient gagné à être un tantinet plus sulfureuses. Idem pour Zidler, leur maître à toutes, interprété par Eric Nipp, ratoureux certes, mais peu inquiétant. On comprend qu'on a ici un ballet des plus traditionnels, mais il manque aux danseurs cet aplomb dans le jeu qui rendrait cette histoire d'amour et de mort tout à fait crédible et captivante. Jorden Morris mise plutôt sur des scènes romantiques à souhait - la scène d'amour entre Nathalie et Matthew scintille de mille feux, au son de la sonate Clair de lune de Debussy -, qui frôlent parfois l'esthétique des films d'animation de Disney. Toute charge érotique est si rapidement évacuée de l'histoire - Zidler ose à peine caresser le corps de Nathalie, pour qui il brûle de désir pourtant - qu'on se demande pourquoi on a situé le ballet dans ce milieu de canailles et de demi-mondaines.

Moulin Rouge - Le Ballet compte plusieurs très beaux divertissements, dont une scène de tango sous les ponts réglée au quart de tour. Toutefois, les scènes de spectacles de french-cancan, très colorées et acrobatiques, manquent nettement de chahut! Bref, il aurait fallu oser un peu plus pour bien rendre hommage aux divines chahuteuses et à l'effervescence libertine de la butte Montmartre de cette époque.

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Moulin rouge - Le Ballet, du Royal Winnipeg Ballet, à l'invitation des Grands Ballets canadiens, ce soir et demain, à 20 h, à la salle Wilfrid-Pelletier.