Des danseurs harnachés à un mur de béton sous le pont de Manhattan. D'autres, suspendus à des cordes, épousant les courbes sinueuses d'un immeuble de Frank Gehry. Des chorégraphes superposés à la verticale dans un escalier en colimaçon de la Clock Tower... Il n'y a pas de projet trop fou pour la chorégraphe québécoise Noémie Lafrance, établie à New York depuis 17 ans. Ses productions, alliant chorégraphie et espaces urbains, lui valent les honneurs du Wall Street Journal et la couverture du cahier des Arts du prestigieux New York Times. Son spectacle présenté dans une piscine municipale abandonnée de Williamsburg en 2005 a même amené le maire Michael Bloomberg à injecter 40 millions de dollars pour rouvrir les installations. On s'en doute, The White Box Project, qui sera présenté en juin au New Museum, dans le quartier Nolita, est archi-attendu.

Q- Quelle est l'idée derrière The White Box Project?

R- Cette fois-ci, c'est de transporter la danse au musée! De faire émerger une forme d'art d'un endroit où se trouve déjà une autre forme d'art, c'est-à-dire des tableaux accrochés aux murs. Les danseurs seront éparpillés parmi le public qui admire des oeuvres. Petit à petit, une chorégraphie émergera. Graduellement, le public réalisera qu'il fait l'expérience d'un autre spectacle.

Q- Pourquoi toujours vouloir repousser ainsi les frontières de la danse?

R- Adolescente, quand j'ai commencé à danser, je me suis vite rendu compte que la danse était un art méconnu. Déjà, à cet âge, je souhaitais élargir son public. New York est l'endroit idéal pour ça! Les New-Yorkais sont très aventureux. Et puis, la vie, ça ne se passe pas seulement entre quatre murs. C'est pourquoi j'intègre l'environnement à mes chorégraphies. Ça donne un art plus vivant.

Q- Comment avez-vous réussi à faire votre marque à New York?

R- À force de persévérance. De prime abord, les autorités municipales avec lesquelles je dois négocier constamment pour mes spectacles me disent toujours «non». D'autant plus que mes projets ne sont pas évidents. Il faut expliquer, convaincre. La Ville ne veut pas avoir d'accidents, ne veut pas que ça coûte cher. Je n'ai jamais un «oui» définitif, mais, finalement, j'obtiens un «ouain, O.K.».

Q- Faites-vous des compromis?

R- Je dois en faire tout le temps pour que mes projets voient le jour. Pour le spectacle dans la piscine désaffectée, il a fallu rénover les installations au préalable, pour une question de sécurité. Pour celui sous le pont de Manhattan, on a dû suspendre des chaises à un mur de béton plutôt que de les visser.

Q- Ça finit aussi par coûter cher?

R- Oui. Le financement constitue un obstacle constant. On demande l'aide de donateurs individuels, des subventions. Mais il y a tellement de concurrence.

Q- Quel est votre message à ceux et celles qui rêvent d'un projet de fou?

R- Il faut savoir ce que l'on veut faire. Souvent, les gens ont des rêves, mais ils ne sont pas précis. Une fois que tu sais ce que tu veux, vas-y! Et puis, il n'y a pas de magie, il faut travailler quatre fois plus fort. Mais de réussir à imposer SA vision de la danse à New York, c'est satisfaisant en fin de compte!