Dans le cadre de la série Danse Danse, les Ballets Jazz de Montréal proposent un tout nouveau programme triple contrasté et enlevé, dont l'une des qualités tient au mélange improbable mais réussi de trois écritures gestuelles, trois univers musicaux, trois visions esthétiques signées par trois chorégraphes majeurs de la scène internationale.

Humour, trouvailles, détournement des références, complémentarité des singularités, l'ensemble a été finement organisé pour offrir une soirée grand public, rythmée, éclectique et légère, où la part de théâtralité s'allie à la physicalité affirmée des interprètes. Ça bouge beaucoup et ça diffuse une énergie magnétique qui alterne lenteurs et fulgurances.

Mauro Bigonzetti offre en ouverture Rossini Cards, pièce la plus longue et de loin la plus riche en virtuosité, en trouvailles malicieuses, en ironie. Le public montréalais a découvert ce célèbre chorégraphe romain en 2007 grâce à une commande des Grands Ballets. Les BJM ont déjà présenté Rossini Cards en 2009. Le retrouver ici est délicieux. C'est tellement Bigonzetti et Bigonzetti est tellement italien!

Lui-même revendique et, simultanément, détourne sans cesse cette appartenance. Fortement imprégné de la conscience collective italienne, son univers s'affiche pétri de fine culture musicale et picturale, mais aussi populaire, c'est-à-dire tellurique, gustative, sensuelle, volontiers pléthorique. Son écriture chorégraphique cependant demeure rigoureuse, tirée au cordeau, architecturée jusque dans le détail. Il met ici en scène sa vision de Rossini: rythme pulsionnel, arithmétique, fougue dionysiaque. Solos, duos et scènes à 13 interprètes se succèdent, de surprises gestuelles en ravissement devant la pureté et la poésie esthétique de certains tableaux. Et avec un humour caustique, un peu comme dans Six Dances de Jiri Kylian sur la musique de Mozart.

La Belgo-Colombienne, résidante des Pays-Bas, Annabelle López Ochoa clôt la soirée avec une pièce tout aussi inattendue et singulière, dans laquelle des références connues sont pareillement détournées de leurs contexte et sens habituels, mais la comparaison entre ces deux pièces fondatrices de cette soirée s'arrête là.

Crée en 2009 à San Diego, Zip Zap Zoom propose une interrelation convenue bien que très actuelle, dans l'esthétique autant que dans la gestuelle, entre corps et technologie, virtuel et sensoriel, jeux électroniques et chansons qui sonnent le ralliement des jeunes d'aujourd'hui. La structure allie mouvements de hip-hop, danse de salon, solos, trios, quatuor puis retour au groupe de neuf. Un univers volontairement ado, vif, coloré, où la fusion de groupe cohabite avec une forte affirmation de la personnalité de chacun des neuf interprètes, six gars et trois filles. En fait, la pièce serait banale sans leur implication généreuse et déjantée. Au final, la pièce vaut surtout par son côté ludique.

Et entre ses deux pièces, Zero In On du Barcelonais Cayetano Soto, petit bijou qui fait une jonction gigogne, avec deux interprètes contrastés - elle, blanche et si menue; lui, noir et tellement altier - un duo très court, ciselé, d'une perfection magique qui se délite sous nos yeux, se décompose se recompose. Le tout sur une musique connue de Philip Glass dont le chorégraphe revisite l'esprit. Une soirée agréable qui met de bonne humeur.

BJM Danse Montréal, programme triple, ce soir, à 20h au Théâtre Maisonneuve.