Karen Kain ne correspond pas au stéréotype de l'ex-danseuse étoile, prisonnière du passé. En tant que danseuse principale au sein du Ballet national du Canada pendant près de 30 ans, Kain, protégée du légendaire Rudolf Nureyev, a brillé dans les grands rôles classiques. Après sa retraite de la scène, en 1997, la dame s'est forgé une autre carrière à sa mesure, comme présidente du Conseil des arts du Canada de 2004 à 2008, et, depuis 2005, comme directrice artistique de son cher BNC. La compagnie sera bientôt à Montréal pour un doublé Marie Chouinard et Crystal Pite, en collaboration avec Danse Danse.

Q Il n'y a que des femmes chorégraphes dans ce programme. C'est voulu?

R Oui! Les femmes chorégraphes sont relativement rares et le Canada compte certaines des meilleures. Elles méritent de travailler avec une compagnie d'envergure comme la nôtre. Marie, par exemple, était enchantée de pouvoir adapter ses 24 Préludes de Chopin à un plus grand groupe de danseurs que lors de la création avec sa compagnie. (...) Crystal aussi a envie d'un grand groupe de danseurs (NDLR: 38!) pour créer Emergence.

Q Vos danseurs classiques ont-ils eu de la difficulté à appréhender la gestuelle et le style particuliers de Marie Chouinard?

R Marie m'a toujours fascinée. En voyant sa compagnie danser les 24 Préludes, j'ai tout de suite su cette pièce se transposerait merveilleusement aux corps super articulés de danseurs classiques. Je l'ai donc approchée. Mais, je me demandais comment mes danseurs se sentiraient à danser nu-pieds, dans des costumes aussi minimaux! Tout s'est super bien passé: j'ai des danseurs incroyablement polyvalents. Je les recrute en conséquence: ils doivent exceller en classique évidemment, mais aussi pouvoir, et surtout avoir très envie, de s'attaquer à une variété de styles.

Q Que voulez-vous pour le BCN, la plus grande compagnie de danse au pays?

R Depuis mon arrivée, je tente d'ouvrir notre répertoire à une plus vaste variété de voix chorégraphiques. Je veux aussi donner à cette compagnie davantage d'ouverture sur ce qui se fait internationalement. Ainsi, je suis fière de notre travail avec Marie Chouinard, Crystal Pite, Jorma Elo ou de nos collaborations prochaines avec Alexi Radmansky et Wayne McGregor. Cela dit, le Ballet national doit aussi continuer d'exceller dans l'exigeant répertoire des grands classiques: par exemple, je suis tout aussi fière d'avoir remonté Sleeping Beauty, notre ballet-phare depuis 40 ans, que de notre travail avec Marie.

Q Avez-vous été surprise par la complexité de la tâche de directrice artistique à votre entrée en fonction?

R Comme danseuse, je ne pouvais même pas imaginer combien la tâche est complexe! Je collaborais déjà à la direction artistique sous James Kudelka, mais quand je me suis retrouvée seule à la barre, j'ai senti tout le poids d'une institution qui aura bientôt 60 ans. Environ 200 personnes relèvent de moi: les danseurs, l'orchestre, le personnel de soutien... Sans compter les donateurs et les gouvernements avec lesquels je dois nourrir des relations. Oui, j'ai des mentors à qui je parle régulièrement, d'autres femmes directrices artistiques comme Monica Mason du Royal Ballet de Londres ou Brigitte Lefèvre à l'Opéra de Paris; de mon côté, j'apporte mon soutien à d'autres comme Émilie Molnar, qui dirige depuis peu Ballet B.C.

Q Vous avez été juge, la semaine dernière, à So You Think You Can Dance Canada, et ce, pour la deuxième fois. Pourquoi participer à une telle émission?

R Je pense que c'est important que le public voit que ceux qui travaillent dans les grandes institutions culturelles ne sont pas des snobs! La culture populaire fait partie de l'écologie de notre milieu. SYTYCD ou des émissions comme Glee font en sorte que les jeunes n'ont plus peur de la danse. Ça ne peut que nous favoriser, nous, les institutions.

Le Ballet national du Canada dans Les 24 Préludes de Chopin et Emergence, les15 et 16 octobre à la salle Wilfrid-Pelletier.