Mercredi soir, Salle Pierre-Mercure, dans le cadre de la série Danse Danse, première montréalaise de la création de groupe S de José Navas. Un exercice de style déroutant, inspiré par feu Merce Cunningham et Erik Satie.

Navas ne s'en cache pas: S est, en partie, un hommage à un de ses mentors, le chorégraphe américain Merce Cunningham. Cette création pour huit danseurs commence en silence et file à vive allure dans la pure tradition Cunningham: tendus, pliés en seconde, bras sémaphores, torses inclinés, changements de direction constants et rapides et quelques vifs tours qui brisent momentanément le foisonnement de lignes droites.

 

Chaque interprète, précis et tout en contrôle, agit seul, selon un rythme et un phrasé qui lui sont propres. De surcroît, ceux-ci ne s'arriment en rien avec les aériennes Gymnopédies et Gnossiennes de Satie, interprétées en direct par la pianiste Claire Chevallier. Cela dit, le spectateur s'amuser à relever, dans cette confusion organisée, quelques évanescentes concordances entre les danseurs ou les groupes de danseurs. Il comprendra aussi, à la longue, que la gestuelle imaginée par Navas fait habilement écho à la langueur de la musique de Satie, en jouant l'immobilité et la suspension, même si, par moments, S se fait lourd et bavard même.

Les créations de Navas ont toujours clairement révélé sa filiation avec Cunningham, sur le plan de la gestuelle du moins. Or dans S, contrairement à ses créations antérieures, le chorégraphe fait davantage honneur à Cunningham en évacuant l'émotion et même la notion de présence, habituellement si forte chez Navas le soliste - comme en témoigne le solo Villanelle, qu'il interprète en prélude à S ou même dans certaines de ses créations plus abstraites comme Pas de deux for Four Dancers. Et on sent tout à fait que Navas prend plaisir à forger, puis à déconstruire l'espace, exploitant le nombre relativement élevé de danseurs dont il dispose enfin.

Mais voilà qu'à mi-chemin, S change de cap. Tout à coup, la gestuelle se fait plus «sale»: les bras ondulent, les dos se cambrent, les mains se posent tendrement sur l'épaule du voisin, la peau s'expose. Le phrasé se fait aussi plus lié, moins staccato. S'y glisse une certaine sensualité. En témoigne, entre autres, toute une série de solos sinueux. C'est certes magnifique, mais on a l'impression d'être ailleurs, comme si Navas avait voulu chasser le naturel qui s'est empressé de revenir au galop, sous la forme d'une certaine narration et d'une poésie qui, malgré la beauté des danseurs, semble, à ce point-ci, plaquée.

Un mois en danse

Des productions à souligner en danse, depuis quelques semaines? Certainement Cible de Dieu de Jacques Poulin-Denis. Fermement planté dans l'autodérision, Poulin-Denis a offert, avec une générosité, un one man show tout en variations sur le thème du déséquilibre. Drôle, allumé et humain.

The Vision Impure, une soirée solo, mettant en vedette le danseur Noam Gagnon, comportait aussi son lot d'images mémorables. Gagnon baissant sereinement le haut de son pantalon pour nous révéler un intime bout de peau, au son d'Elvis chantant Love Me Tender: quelque chose se dépose, se cristallise...

Une déception: Diasporama de PPS Danse, présenté à l'Agora de la danse. L'idée de commander des créations à des chorégraphes québécois vivant à l'étranger est tout à fait géniale. Cependant, plusieurs de ces chorégraphies se sont révélées fades, même surannées.

VILLANELLE et S à la Salle Pierre-Mercure, jusqu'au 28 novembre. Info: www.dansedanse.net