Comme symbole de paix, difficile de trouver mieux. Grande institution culturelle d'ici, les Grands Ballets canadiens iront danser en Israël et en Égypte. La troupe fait cette tournée historique sans un sou du gouvernement fédéral, mais avec l'appui financier de compagnies égyptiennes et de la communauté israélo-canadienne.

Sur un budget d'un million de dollars, le voyage des GBC est financé à 40 % par des dons et des commandites privés, dont 100 000 $ d'Égypte et presque autant de la communauté juive d'ici. Le gouvernement québécois contribue, mais pas Ottawa, ce qui laisse un déficit de 250 000 $.

«Je suis très gêné d'aller chercher de l'argent dans un pays comme l'Égypte. Être tributaire de dons de compagnies égyptiennes parce que notre propre pays, membre du G8, ne peut pas nous soutenir. Moralement parlant, je trouve cela inacceptable», dénonce le directeur des GBC, Alain Dancyger qui a fait trois fois le voyage au Caire en quelques mois pour trouver du financement.

L'occasion était belle pour le gouvernement canadien. Les Grands Ballets se produiront devant la première dame d'Égypte, Suzanne Moubarak, et le président d'Israël, Shimon Peres, dans le cadre du centenaire de Tel-Aviv, où la seule autre institution internationale sera la Scala de Milan, et en marge du 60e anniversaire des relations bilatérales entre Israël et le Canada.

«J'ai passé 90 % de mon temps dans les huit derniers mois à sauver cette tournée, ajoute M. Dancyger. Sur la scène internationale, on nous rit au nez sur la situation au Canada. Pendant ce temps, nos concurrents dans le monde sont appuyés par leur pays et nous coupent l'herbe sous le pied. Notre image en prend un coup. On met 15 ans à bâtir une compagnie et trois mois à la détruire.»

Les GBC sont allés aux États-Unis dès 1958, un an après leur création. Ils se sont produits ensuite en Amérique du Sud et en Europe, puis en Chine en 1983. En 2011, ils doivent se rendre en Angleterre, mais auparavant, l'an prochain, en Italie et à Shanghai, «mais tout cela est sur la glace», confie M. Dancyger.

«Cette tournée au Moyen-Orient restera dans nos annales, explique-t-il. Les Grands Ballets canadiens sont en demande. C'est un produit reconnu qui vend bien et représente les valeurs canadiennes. En pleine récession, il me semble que la logique est d'appuyer les grands ambassadeurs culturels.»

Malgré de nombreuses démarches auprès du gouvernement fédéral au cours des derniers mois, M. Dancyger indique qu'aucun signal positif n'est parvenu d'Ottawa. Il se demande notamment comment le gouvernement conservateur peut réserver 25 millions pour un concours, les Prix du Canada pour les arts et la créativité, et exclure l'idée d'un fonds d'urgence qui aurait permis aux troupes québécoises et canadiennes de recevoir un minimum pour leurs tournées.

«Trois petits millions seraient suffisant, insiste-t-il. Je comprends qu'on veuille discuter de nouvelles options, mais entre-temps, qu'est-ce qu'on dit aux gens qui nous approchent? Les tournées nécessitent de deux à trois ans de travail. Il faut prendre des décisions maintenant.»

L'an dernier, le gouvernement conservateur a supprimé 45 millions dans divers programmes culturels, abolissant notamment PromArt et Route commerciales qui soutenaient les tournées internationales des artistes canadiens. Ottawa a laissé entendre qu'il cherchait d'autres moyens d'aider le rayonnement de la culture canadienne à l'étranger, mais rien n'a été annoncé.

«Ça fait 13 ans que je suis aux Grands Ballets et 20 ans dans le milieu culturel. C'est l'expérience la plus frustrante que j'ai eu à vivre. Je n'arrive vraiment pas à comprendre cette décision. Aucun argument du gouvernement ne tient la route», conclut Alain Dancyger.