Chorégraphe vancouvérois d'origine chinoise, Wen Wei Wang se présentait à Montréal du 9 au 11 avril à l'invitation de Danse Danse avec sa nouvelle Three Sixty Five, une revisitation en profondeur des Quatre Saisons de Vivaldi.

La pièce offre bien plus qu'une relecture de cette musique célébrissime et peut-être le recul culturel du chorégraphe sino-canadien lui a-t-il aussi donné la liberté de déstructurer le tout. La musique d'abord, demandant au compositeur Giorgio Magnanensi une partition originale de musique électronique, même si l'oreille reconnaît de temps à autre, et deux fois clairement, les volutes vivaldiennes.

 

L'électronique a pour partenaire le violoncelle, sublime, interprété par la soliste Peggy Lee, à moins que, comme on le pense en définitive, toute la pièce ne soit en réalité construite autour du violoncelle, son brame puissant, son impact sensitif prégnant, lequel vient ponctuer, souligner voire révéler de façon exceptionnelle certains passages de danse.

Wen Wei Wang n'a pas déstructuré que la musique, mais également, par la base, l'esprit de la pièce, offrant une vision inédite du sens même de l'oeuvre: il ne s'agit plus de saisons climatologiques, mais des différents climats humains, au singulier ou au pluriel. Tous nous passons par différents états de ressenti, différentes formes de relations avec notre environnement extérieur et avec les autres, solitude, duos ou collectivité, états de désir, sexe languide ou ardent, séduction ou attaque frontale, violence précipitée puis recul, doute, tristesse.

En fond de scène, l'écran projette les couleurs de ces cieux intérieurs, déclinant au passage les couleurs du ciel d'Italie, bleu poudre, orange torride, rouge colère, blanc transparent ou noir, carrément. Les lumières de James Proudfoot jouent admirablement de ces états, ajoutant à la scénographie épurée et efficace, la géométrie architecturée, les costumes minimalistes, blancs ou pastels, et parfois la nudité partielle révélatrice des corps qui augmente le magnétisme organique.

La danse justement, mélange de moments de groupe, de duos et de solos, danseurs remarquables, technique et architecture impeccables, pour une écriture chorégraphique ciselée, singulière, à la fois subtile et puissante, qui marie clairement des mouvements d'énergétique chinoise, de danse contemporaine, de verticalité et de technicité classiques. L'ambiance délibérément charnelle, peut-être en référence à l'importance de la sexualité dans la vie de Vivaldi, s'imprègne ainsi dans la rétine, mais aussi dans le corps du spectateur qui reconnaît clairement ses propres variations climatologiques intimes.

Hélas, les images inoubliables des solos et des duos, plusieurs instants sublimes, d'une beauté somptueuse, sont lestées par les scènes de groupe à la gestuelle soudain banale ou éculée, empreintes d'une lourdeur inattendue et complaisante. La musique électronique, par sa trop forte et perpétuelle présence, finit par ajouter à l'excès. Trop de cumulonimbus et pas assez de cirrus, Three Sixty Five offre un temps variable, un ciel à tendance lourde malgré de magnifiques éclaircies.