Jusqu'au 21 mars, poétesses, contorsionnistes, artistes burlesques, comédiennes, danseuses et lesbiennes féministes envahissent l'Espace Tangente pour la 16e mouture d'Edgy Women. Mis sur pied par le Studio 303, ce tourbillon de créations déjantées et virulentes, souvent loufoques, réunit plus d'une trentaine d'artistes de partout au Canada, mais aussi des États-Unis et même de Paris.

Edgy Women favorise d'emblée les créations multidisciplinaires. Cela dit, la portion plus strictement dansée est offerte, cette année, par trois Montréalaises d'adoption, dont l'envoûtante Chanti Wadge, née à Séoul et élevée à Vancouver, à voir le 21 mars. Ce soir, Antonija Livingstone présente Even Steven II. La jeune femme est née à Vancouver, mais elle vit quelque part entre Montréal, Berlin et Bruxelles.

Livingstone a pris sa place au sein d'un groupe de chorégraphes nord-américains, dont le Québécois Benoît Lachambre et l'Américaine Meg Stuart, qui font la pluie et le beau temps en Europe. «Je suis queer et je suis une femme qui remet en question les stéréotypes hommes-femmes si courants en danse... À la fin des années 1990, je sentais une résistance à mes spectacles de drag assez trash, même à Montréal», se rappelle celle qui, adolescente, se destinait à une carrière de sage ballerine. Tandis qu'elle tourne comme interprète dans les créations de Benoît Lachambre (elle danse notamment dans Body Scan, qui sera présentée au prochain FTA), certains diffuseurs européens, notamment en Belgique, lui offrent de présenter son propre travail.

«D'accord, on me payait souvent en nature, en m'offrant des résidences ou des studios de répétition, parfois même dans des squats. Mais je n'avais plus à justifier ni mes choix artistiques ni mes partis pris politiques ou personnels», lance la jeune femme, qui présentera bientôt Even Steven II à Berlin, avant de s'envoler pour Bucarest.

Viva Venezuela!

Jeudi prochain, Tammy Forsythe présente un nouveau solo, intitulé Si! Va!, inspiré d'un récent voyage de sept semaines au Venezuela. Forsythe, originaire de Nouvelle-Écosse, est une artiste singulière, farouchement indépendante, que l'on a peu vue à Montréal depuis qu'elle a gagné le troisième Prix du public au Festival international de nouvelle danse, en 2003, pour Backtrack. «J'ai pris un break de quelques années pour terminer mon bac en danse, à Concordia», explique Forsythe, à qui le Museum of Contemporary Canadian Art de Toronto a commandé une installation interactive de 10 jours, en 2006. On la reverra en 2010 puisque l'Agora de la danse lui donne carte blanche pour créer sa prochaine pièce de groupe, inspirée de The Shock Doctrine de Naomi Klein.

Pour l'heure, Forsythe est tout imprégnée des sons et des couleurs du Venezuela, ainsi que des rencontres qu'elle y a faites. «J'ai discuté avec un metteur en scène de 85 ans qui a vécu à Bangkok, à Pékin, en France. C'est toujours un fervent communiste», lance l'artiste, dont le travail est doté d'une immense charge politique. Rageant contre le néolibéralisme qui prévaut en Amérique du Nord et contre le népotisme de nos politiciens, elle avoue avoir trouvé là bien des âmes soeurs!

Forsythe s'est aussi retrouvée, par hasard, à quelques mètres d'Hugo Chavez, le 8 mars à Caracas: il y présidait une assemblée communautaire à laquelle participaient des milliers de femmes des barrios à l'occasion de la Journée internationale de la femme. «C'était électrisant. Je devais bien être une des rares gringos présentes!» rigole-t-elle. L'artiste s'est aussi immergée dans les rallyes qui se sont tenus le 15 février, à l'occasion du référendum sur la constitution du Venezuela. Mais n'était-il pas dangereux de se mêler ainsi à la foule dans un des pays les plus violents d'Amérique latine? «De la désinformation, tout ça, lance Forsythe, furieuse. J'ai fait attention, mais si j'avais écouté les avertissements faits aux touristes, je serais passée à côté de 80 % des expériences que j'y ai vécues!»

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Edgy Women, jusqu'au 21 mars à l'Espace Tangente et autres lieux. Info: info@studio303.ca et au www.studio303.ca