Les Chambres des Jacques, la première chorégraphie qu'Aszure Barton a créée pour [bjm_danse], en 2006, s'ouvre avec une surprenante gigue, dansée sur La danse à Saint-Dilon de Gilles Vigneault. Voilà que Barton remet ça: dans Jack in the Box, que [bjm_danse] présente avec Les Chambres des Jacques, elle glisse du Robert Charlebois. Curieux choix de musique pour une fille née à Edmonton !

«Je sais, mais Charlebois me rappelle mon adolescence», explique Barton, dont les chorégraphies sont aussi espiègles qu'humaines. Il faut dire que cette Albertaine s'est retrouvée, dès l'âge de 14 ans, pensionnaire dans ce melting-pot qu'est la prestigieuse École du Ballet national du Canada, à Toronto, en compagnie notamment de Québécois. La vie de jet-set de Barton ne faisait que commencer...

 

Enfant, dans la cour arrière de sa maison, Barton chorégraphiait de «petites danses rigolotes» pour ses soeurs, Charissa et Cherise. Aujourd'hui, elles font partie de sa compagnie, Aszure Barton & Artists, qui est régulièrement programmée au vénérable festival de danse Jacob's Pillow. Et, ce mois-ci, alors que [bjm_danse] triomphait en Europe avec ses Chambres des Jacques, Barton se trouvait en Australie, où elle signait une chorégraphie pour la Sydney Dance Company. Également à son pedigree : une résidence de trois ans, qui se termine en décembre, au Baryshnikov Arts Centre (BAC) de New York, obtenue à l'invitation de nul autre que le grand danseur Mikhaïl Barychnikov.

« C'est une chose rare et précieuse que de se voir offrir un chez-soi à New York et d'avoir alors facilement accès à des studios de répétition. J'y suis comme dans ma famille «, confie Barton, qui vit à New York depuis bientôt 10 ans et qui y a longtemps fait tous les petits métiers, de serveuse à gardienne d'enfants, pour louer des studios et financer ses créations. Ce séjour au BAC, laboratoire et un lieu d'échanges entre créateurs de toutes disciplines, est aussi, pour la jeune artiste, une source de réseautage inestimable.

Il y a, bien entendu, Barychnikov, qui lui commande des créations pour son ensemble Hell's Kitchen Dance et pour lui-même. Au BAC, Barton croise aussi le metteur en scène Scott Elliott, qui l'engage pour signer les chorégraphies de son Opéra de Quat'sous, mettant en vedette Cyndi Lauper et Alan Cumming, à Broadway. Et c'est pendant une tournée en Espagne, avec Hell's Kitchen Dance, que Barton fait la connaissance de María Pagés; lors d'un passage subséquent au BAC, la célèbre danseuse de flamenco et Barton passent deux semaines à travailler ensemble en studio. Elles songent maintenant à collaborer.

Curieuse humanité

Il n'y a pas à dire : l'étoile de Barton monte à la vitesse grand V. Mais qu'est-ce qui branche avant tout cette fille des Prairies? Le contact humain. C'est auprès des interprètes qu'elle vibre et en eux qu'elle trouve matière à créer. Elle cherche à les connaître, les interroge et les observe, qu'ils soient les enfants avec qui elle a travaillé au Kenya, en 2007, dans le cadre du spectacle Heart: Healing The Rift («Des enfants magnifiques, curieux, pour qui la danse est encore une affaire de partage, une célébration»), les danseurs de sa propre compagnie, de Hubbard Street Dance ou du American Ballet Theatre.

«Aszure fait preuve de beaucoup d'empathie et elle aime profondément les danseurs», confirme Louis Robitaille, directeur artistique de [bjm_danse], qui trouve que le côté accessible et lumineux des créations de Barton colle parfaitement à la personnalité de la compagnie qu'il dirige depuis maintenant 10 ans.

Pour Les Chambres des Jacques, conçu en 2006, elle a passé des heures à parler avec chacun des 11 danseurs. Cette fois, pour Jack in a Box, c'est la dynamique de groupe des danseurs de [bjm_danse] qui l'inspire. «Surtout que j'avais devant moi un groupe de jeunes dynamiques et pleins de fraîcheur. Personne n'a essayé de voler la vedette aux autres et leur camaraderie est bien réelle», précise la chorégraphe, qui s'en est donné à coeur joie, en compagnie de ces bêtes de scène que sont les interprètes de [bjm_danse].

Soirée Aszure Barton, avec [bjm_danse] (Les Ballets Jazz de Montréal), du 27 au 29 novembre, à la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau.